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samedi, octobre 23, 2010

223- rencontre euromaghrébine des femmes écrivaines

La deuxième rencontre euromaghrébine des femmes écrivaines se tient les 18 et 19 octobre à l’auditorium
de l’Institut national supérieur de musique d’Alger.

Entrant dans le cadre de la coopération entre le ministère de la Culture algérien et la délégation de l’Union européenne à Alger, avec le concours de l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) et des services culturels des ambassades des Etats membres de l’UE à Alger, cette rencontre littéraire compte la participation de quatorze femmes écrivaines algériennes, marocaines, tunisiennes et européennes. C’est sous le thème «Récit, fiction et poésie comme contribution des femmes à la pensée» que ces écrivaines échangent leurs expériences et points de vue au sein de trois ateliers-conférences consacrés à chacun des genres retenus : «Le récit de vie comme expression de la réalité», «La fiction comme expression de rêve et de changement» et «La poésie comme espace de liberté».

Dans son discours inaugural prononcé hier matin à l’INSM, Laura Baeza, ambassadeur, chef de la délégation de l’Union européenne en Algérie, a soutenu que «l’écriture constitue un des domaines où les femmes ont su imposer leur style et leur signature, avec comme particularité une sensibilité débordante. S’il est historiquement établi que les femmes sont les initiatrices d’une écriture romanesque, l’écriture au féminin se conjugue aujourd’hui sur tous les tons. Des femmes de différents pays, de différentes cultures et traditions viendront enrichir ce dialogue interculturel qui se veut un moyen de rapprochement entre intellectuels, de part et d’autre de l’espace commun qui nous unit, la Méditerranée».

La matinée d’hier a été caractérisée par le passage de six auteurs qui, à tour de rôle, ont débattu sur «Le récit de vie comme expression de la réalité». Dans sa communication intitulée «Revivre en écriture», l’universitaire oranaise Fatima Bekhai a indiqué que le monde est saturé d’informations et d’images souvent partielles, de clichés réducteurs. La littérature permet d’avoir une autre approche de l’autre. La connaissance réduit l’appréhension. «Au XIIe siècle, confie-t-elle, Ibn Rochd s’inquiétait déjà de la condition des femmes. A l’époque, la culture était strictement conjuguée au masculin alors que des voix de femmes existaient.»

Les sociétés ont évolué. Les conteuses étaient recherchées et respectées. «Les poétesses de grand talent qui ont contribué à la pensée, si on les admirait, on ne souhaitait pas le déploiement de leur don hors des murs de la maison. C’était une manière insidieuse et détournée de distiller toute création féminine. Cela a permis aux femmes de construire l’imaginaire.» Pour la conférencière, les femmes ne se contentent plus de raconter, mais elles écrivent et se font éditer. Le phénomène a commencé après la Seconde guerre mondiale quand la gent féminine a eu accès à l’éducation.

«En Algérie, dit-elle, avant la colonisation, la majorité des femmes n’était pas analphabètes. Peut-être que certaines ont écrit des choses et que les hommes se les sont appropriées. Les femmes ont eu accès à l’espace public. En effet, après l’indépendance, elles ont investi tous les créneaux, notamment la littérature. Aujourd’hui, elles dévoilent ce qui était chuchoté par le passé. Elles revivent à travers l’écriture. Ce sont des bâtisseuses de mots.»

Absente de la rencontre, la communication de l’Autrichienne Anna Kim a été lue aux présents. Partant du personnage central d’un grand classique autrichien, incarcéré pendant la guerre, Anna Kim estime qu’une personne disparue est représentée par une photo. Son passé est occulté. Après avoir terminé un de ses romans axé sur les conséquences de la guerre, les mots qu’elle a utilisés alors avaient un sens différent. Anna Kim a reflété le sens des mots. «Plus les mots sont forts, plus ils ont un lien avec la fidélité», argue-t-elle.
Dans son intervention «Que font les femmes des histoires de vie ?» la sociologue Fatima Oussedik a soutenu que le travail d’écriture n’est jamais solitaire.

L’écrivaine tchèque Tereza Bouckova a, dans sa communication «Une raison à soi», fait une réflexion sur son œuvre 82 ans après le récit Une Chambre à soi de Virginia Woolf, fait le parallèle entre sa vie privée et le roman de Virginie Woolf. Selon elle, ce qui se passait dans les années 1928 s’applique de nos jours. Il est impératif de ne pas renier les valeurs. L’écriture de V. Woolf est fragmentée ; elle replace les choses dans son contexte. En partant de sa vie d’écrivaine, Tereza le le voile sur sa vie de mère. Une vie de mère qu’elle ne regrette point, même si V. Woolf soutient que les meilleures auteures n’ont jamais eu d’enfant.

La conférencière a dénoncé les difficultés d’écrire sans subir les pressions des hommes. Selon elle, si Virginia Woolf disait que les femmes qui ont écrit de beaux livres n’ont pas eu d’enfant, Tereza Bouchova dira alors : «Moi j’ai eu trois enfants.» Le roman doit être accordée au corps.Il est à noter que la journée d’aujourd’hui s’annonce des plus riches. Plusieurs communications sont attendues, dont «Forces et périls de l’autofiction» de la Tusinienne Azza Fillali, «Expressions au féminin» de l’Algérienne Zineb Laouedj, «Faits divers» de la Belge Françoise Lalande et «Récit de vie aux prises de l’écriture» de la Marocaine Rachida Madani.

Nacima Chabani
in: El Watan internet 19 octobre 2010
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Téréza Bouckova est une self-made-woman. Elle est auteure, nouvelliste et scénariste tchèque. Elle a été censurée dans les années 1980, car dissidente, affranchie et réfractaire au pouvoir de l’époque




- Vous venez de participer aux 2es Rencontres euromaghrébines des femmes écrivaines à Alger…


Oui, cette rencontre est une première pour moi.



- Une expérience, un échange…


Oui, j’ai participé au thème portant sur le récit de vie. Donc, sur la réalité de la vie. Je crois que les auteures algériennes ont énormément besoin d’espaces pour le dialogue afin qu’elles puissent s’exprimer et justement trouver leurs réalités à elles. Donc, c’était beaucoup plus un dialogue interalgérien qu’euroalgérien ou encore euromaghrébin. C’était plus un dialogue qui relevait de la réalité algérienne. Mais c’était très intéressant pour moi de déclencher ce dialogue.


- Les écrivaines européennes et maghrébines ont-elles les mêmes attentes et autres causes de femmes dans la société ?


Cela fait toujours partie d’un débat ou une discussion sur la littérature féminine. Mais, ici, probablement, la possibilité d’expression est une grande distance entre les hommes et les femmes. Mais, en même temps, quand il y a une discussion comme cela, je crois qu’il faut apprécier la littérature et distinguer la bonne de la mauvaise. Et ne pas faire de distinction entre une littérature féminine et masculine. Mais plutôt la qualité des œuvres sans se soucier du genre.


- Existe-t-il des disparités et autres parité homme-femme dans la littérature ?


Il n’y a pas de discrimination. Mais le destin d’une femme est bien évidemment un peu plus différent que celui d’un homme. Et ma contribution aussi était dans le sens que si une femme se décide de fonder une famille, cela paraît aisé. Mais la possibilité de s’imposer dans la littérature et dans n’importe quel autre domaine est beaucoup plus difficile que pour un homme.

- Etes-vous féministe ?


Il y a certains qui le disent à mon sujet. Mais je ne me sens pas du tout comme cela.


- Vous avez été rebelle et dissidente par rapport à l’establishment et l’unicité de pensée en Tchécoslovaquie…


La femme n’était pas l’héroïne principale. Dans la plupart des cas, c’était des hommes, des héros combattant pour la liberté. Et à leurs côtés, il n’y avait pas de femmes braves. Alors qu’elles comprimaient une pression intérieure et autre fardeau de la famille, l’éducation des enfants… Si les femmes n’étaient pas suffisamment fortes, les hommes n’auraient pas pu tenir. Donc, c’était cela le rôle des femmes dans le mouvement dissident et la révolte contre l’establishment.


- Vous avez un regard cursif sans concession. Vous avez même critiqué le président Vaclav Havel…


(Rires). Je pense qu’il est important d’accepter qu’un homme, en général, a aussi des points faibles. Les héros sont quelquefois aussi faibles. Ce ne sont pas toujours des personnages forts.


- Mais tout le monde adore Vaclav Havel…


(Rires). Moi aussi je l’aime et je l’adore. Mais je crois qu’il faut aussi dire que c’est quelqu’un qui a des faiblesses. Et c’est tout à fait normal de les avoir. Et s’il le faut, on doit en parler.


- Vous avez été victime de censure…

J’ai été interdite de publication.


- Qu’est-ce que vous dérangiez ?


Juste ma personnalité, en fait. Peu importe ce que j’écrivais. Parce que j’avais un nom, mes parents et une sorte d’attitude hostile au pouvoir. Cela dérangeait. D’emblée, j’étais éliminée de pouvoir créer ou écrire. Si j’étais magnanime avec le régime, on m’aurait laissé publier mes livres.


- Dans votre trame littéraire, vous déclinez une antinomie alpha vs oméga. C’est le ying et le yang…


(Rires et soupir). C’est une certaine image de la réalité. Une vision de la vie des deux côtés. J’ai toujours aimé voir cette ambivalence. Il n’y a pas que des hommes parfaits, fins…Chacun d’entre nous a cette dualité. Ce qui est intéressant, c’est de voir toujours ces deux côtés et de faire une sorte d’équilibre entre le bon et le mauvais. C’est-à-dire qu’il ne faut pas voir que les vertus, la bravoure, le courage. Mais aussi le côté obscur.


- Vous avez une écriture autobiographique, narrative et parfois satirique…


Parce que je fais partie des auteurs qui expriment ce qu’ils ont vécu. Si les gens pensent tout ce que j’ai écrit, est la vérité générale… Bien évidemment, j’adapte à mon objectif littéraire et scénariste le récit et l’autobiographique.



- Justement, vous êtes aussi scénariste…


Oui, j’ai écrit deux scénarios. Pour un roman, il faut très probablement que du talent. Et pour un scénario, il faudrait le métier.



- Vous avez une actualité…


Je viens de publier un livre de feuilletons. Une sorte de littérature journalistique.
K. Smail
in: El Watan Iternet 21 octobre 2010

lundi, octobre 04, 2010

222- Le 23° destival du livre de MOUANS-SARTOUX


Vendredi 01 octobre
11 heures 30. Je suis dans la grande salle des Beaux livres qui ressemble plus à un chapiteau. On vient de me remettre ma carte d’entrée. Dj. vient de m’appeler pour m’inviter ce soir à l’anniversaire de Fl. CP à répondu à mon message Facebook. Elle m’invite à passer chez elle. Près de moi, sur l’estrade, des élèves se voient attribuer des prix en présence de monsieur Aschéri maire de Mouans-Sartoux.
Midi. Maïssa Bey me fait signe. Elle me présente madame Marie-Louise Gourdon (commissaire du festival, adjointe à la culture et conseillère générale des Alpes maritimes),. deux filles qui furent agressées à Hassi Messaoud. Avec l’aide de Nadia Kaci une jeune comédienne elles ont écrit un livre sur leur vécu « laissées pour mortes » Voici ce qui est écrit en quatrième de couverture : « Le 13 juillet 2001, à Hassi Messaoud, ville pétrolifère du Sud de l’Algérie, à la suite d’un prêche virulent de l’imam, près de 500 hommes agressent et torturent plus d'une centaine de femmes au cours d’une expédition punitive.


L’humiliation publique, le mépris de la famille et la peur des représailles succèdent à cette nuit de cauchemar que la plupart des victimes choisissent d’oublier. Mais certaines refusent de se résigner et exigent la condamnation des coupables — Rahmouna Salah et Fatiha Maamoura se sont battues jusqu’au procès. De leur enfance au sein de familles patriarcales à la naissance de leurs enfants, en passant par leurs mariages, répudiations et divorces, elles relatent la difficulté de vivre hors du joug des hommes dans une société qui connaît de terribles bouleversements. »

Je discute longuement avec Rahmouna,
Fatiha (venu avec son fils) semble plus réservée. Je lui donne mon avis sur les récupérations politiques qui ont été faites en Algérie (en falsifiant les faits), Maissa ajoute « elles le sont encore cette fois-ci ». A l’époque ont avait accusé les islamistes d’avoir fomenté l’agression (dans une affaire similaire, en 1989, il en a été de même. Rabha Attaf a démonté la mécanique In : L'Algérie en contrechamps, Peuples Méditerranéens, janvier-juin 1995 L’affaire de Ouargla, mythe fondateur du discours de l’éradication.) [Cf plus bas l'article de El Watan]
En me dirigeant vers le « chapiteau » principal je croise monsieur le maire. Je le félicite pour ces formidables moments de rencontres et d’échanges. Sur la centaine de stands, l’un est tenu par un ancien de Révolution africaine (FLN) et de Saout Echaab (communiste), un admirateur de Ceausescu qui ne le revendique plus, cf. Révolution .Africaine du. 07/07/89 par exemple : Lazhari Labter.
Je regrette de ne pas avoir pris plusieurs exemplaires de L’Amer Jasmin… Mouans Sartoux est une belle ville mais curieuse, après avoir tant marché on aspire à une boisson fraîche (ou pas). Dans tous les villages de France vous trouverez un bar tous les dix mètres, sauf ici ! Des brasseries, des restaurants, des pizzaïolas, des kébabs, des sandwicheries, oui, mais point de bar.








Le seul, l’unique dans le centre est le Café de la paix. Je retourne au Camping-car, sur le chemin, au Petit Casino j’achète un Gaillac (3.80). Le véhicule est garé à une cinquantaine de mètre du centre, à l’intérieur d’un ensemble d’immeubles bas. France-Culture. Je prends une part de Pizza au chèvre qui me reste (achetée et partiellement consommée hier à Aiguilles, 8.50). En Amérique centrale le président équatorien Raphael Correa est sorti sain et sauf de la tentative de putsch. Je repars dans l’espace principal où je revois M. Bey dans le stand des éditions de l’Aube. Elle m’interroge sur son livre « Puisque mon cœur est mort ». Je lui dis que je l’ai acheté mais délibérément pas lu » « Parce que difficile ? » « Non, parce que j’écris un roman don le contenu est plus ou moins similaire, ton roman je le lirai une fois que j’aurai achevé le mien. »
J’appelle CP. Nous sommes contents tous deux de nous retrouver après une absence de plus de dix ans. CP je l’ai connue à Varsovie, en 1974. Nous sommes devenus et restés amis depuis. Nous sommes convenus de se retrouver à la gare Saint Augustin (Nice).
Nadia Kaci est au café littéraire ainsi que Catherine Cabrol. Toutes deux traitent de la maltraitance des femmes dans tous les pays. L’Algérie pour ce qui est de Nadia Kaci, précisément Hassi Messaoud. Elle déclare « les femmes sont désignées comme bouc-émissaires, de façon à ce qu’elles épongent la colère du peuple face à l’oppression. Les femmes sont ciblées par des lois qui légitiment l’injustice. » (cf Le journal du festival n° 18 du 02 octobre). Dans mon intervention je rappelle que c’est bien l’état algérien qui, par ses différentes législations et ses comportements, fit le lit de l’intégrisme (article 2 de la Constitution algérienne, arrachages de centaines d’hectares de vigne sous Boumedienne, revue officielle religieuse El Assala, prêches officiels dans les mosquées durant près de 30 ans) sans bien sûr occulter la responsabilité des islamistes et de la société algérienne conservatrice.)

Dans un stand, mon ami Jean-Marc dédicace à tour de bras. Je lui achète « Nouvelles penchées » qu’il me dédicace (ed Les enfants rouges), un recueil de récits graphiques.
J’arrive à Nice St Augustin à 18H45 après une heure de voyage. Arrêt à toutes les stations. CP me présente son ami M. agréable soirée. Très belle vue sur la Méditerranée.









Samedi 2 : Il a fait très chaud cette nuit. Quelques nuages ce matin. Se disperseront. Leur voyage en Europe de l’Est, les miens…
Je les quitte à midi (à 33 secondes près je ratais le TER, problèmes avec le distributeur de billets…). Trois œufs au plat dans le camping-car puis direction la salle Léo Lagrange. Archicomble. Plus de 300 personnes. Je suis moi-même assis à même le sol, devant le premier rang. Lorsqu’elle apparaît, un tonnerre d’applaudissements l’accueille, des hourras fusent de la salle., c’est Florence Aubenas.



Elle parle avec un brin d’humour de l’expérience qu’elle a vécue à Caen et qui a donnée son livre « Le quai de Ouistreham » (ed de l’Olivier). Un témoignage fort pour la défense des « petites gens » C’est une magnifique communicatrice. Depuis son accueil à l’agence pour l’emploi comme « femme larguée par son mari » « comme tout le monde » lui rétorque la conseillère qui la première tombe dans les filets, jusqu’à ces « petites gens » majoritairement des femmes qui dans un laps de temps précis doivent nettoyer les ferries. Pour rechercher une emploi mieux vaut être riche avant d’être pauvre : il faut être équipé pour répondre à des offres, ou bien recevoir… être véhiculé, avoir le net, un téléphone portable… Lorsqu’un spectateur ose évoquer la prise d’otage dont elle a été l’objet en Irak, elle préfère évoquer les otages journalistes de F3 actuellement en Afghanistan. Applaudissements soutenus. Je monte sur l’estrade la remercier et évoquer l’Algérie, 1999… « la rue Myrha oui bien sûr ! »
Au micro on informe de l’arrivée de Wassila Tamzali. De nouveau je rencontre les filles de Hassi Messaoud. Je m’aperçois que j’ai oublié mon magnétophone. Je n’ai plus la même force, le même enthousiasme qu’il y a quelques années. Quelles préoccupations me « malmènent » ainsi ? Qui interviewer. Malika Mokeddem la hautaine s’ennuie. Personne à qui dédicacer ses livres.
16 heures. De nouveau, Léo Lagrange. De nouveau archicomble. « Contre la crise, l’économie sous contrôle ? » avec notamment Suzan George (Attac). Je n’ai pas aperçu Alain Touraine (je suis au dernier rang). 16H15 : « Laissées pour mortes » avec Nadia Kaci, Rahmouna Salah, Fatiha Maamoura (et son fils derrière moi) ainsi que le modérateur (journaliste au Courrier de l’Atlas). Je suis au premier rang de La Strada1. L’accent est mis sur la société conservatrice, sur le prêche de l’imam, la misogynie… mais aussi le Code de la famille de 1984 revisité en 2005. Lorsque Kaci quitte le plateau (autre obligation ?) c’est Maissa Bey qui prend la relève. « Ce livre n’est qu’une partie de notre vécu, un autre est en préparation ». Grande émotion lorsque Rahmouna évoque son frère. Celui-ci a cru les journaux qui l’indexaient comme prostituée (El-Khabar notamment), il a quitté la maison familiale. Lorsqu’il fut victime d’un accident de voiture Rahmouna s’est déplacée à l’hôpital pour qu’il apprenne la vérité. Mais il est décédé avec la certitude qu’elle était prostituée.
Maissa est venue me voir en fin de séance pour me dire combien elle regrette la mauvaise organisation « comment à la fois traduire ce que disent les filles de Hassi Messaoud et intervenir soi même ? ». Il manquait en effet un traducteur pour soulager Nadia Kaci. Devant le cinéma La Strada il y a foule pour l’achat et dédicace du livre « Laissées pour mortes » (ed Milo). Les deux femmes vivent des retombées du livres… sans quoi…
Au café littéraire Hanane El Cheikh (présidente du festival) est tout sourire. [ http://mondalire.pagesperso-orange.fr/hanan.htm: Depuis plus d'une vingtaine d'années, la voix ironique et chaude de Hanan el-Cheikh, romancière arabe de grand talent, s'élève pour dévoiler la duplicité d'une société crispée sur son image de rigueur morale pendant qu'elle se livre hystériquement à la transgression des tabous. Née en 1945 dans la communauté chiite du Sud-Liban, Hanan el-Cheikh vit à Londres depuis la guerre civile libanaise, après avoir étudié au Caire et séjourné dans les pays du Golfe. Elle a publié 5 romans et deux recueils de nouvelles. Son oeuvre est traduite en plusieurs langues. Sont déjà parus en France : "Histoire de Zahra" (1999), "Femmes de sable et de myrrhe" (1995), "Poste restante Beyrouth (1995) et "Le cimetière des rêves" (2002). "Londres mon amour. " et Toute une histoire chez Actes Sud ]. Je quitte pour aller respirer à l’extérieur. Légèrement frisquet. A 18h35 sur France Info on apprend que l’OLP réuni à Ramallah réaffirme l’arrêt des négociations avec Israël tant que les colonies continuent. Il y a cinq minutes j’ai appelé M. à Bobigny. Tout va bien dit-il. « El H. est à Arzew. Il veut pêcher mais n’a pas de pied à terre… » Je pense à DJ. IL ne répond pas. Je voulais lui soumettre l’idée de réaliser un reportage sur les femmes violentées à Hassi Messaoud. Reprendre toute l'affaire depuis le début.
Je prends un verre et repars au « chapiteau » principal. Je dis à N. Kaci que cela pourrait bien faire l’objet d’un docu télévisé. Je pense à DJ. que je n’ai pu avoir il y a quinze minutes, pour ces mêmes raisons. Je veux dire que j’ai l’intention de lui en dire un brin. Kaci me demande alors de contacter l’attachée de presse. Sophie B.
Je suis au café littéraire. Devant l’estrade. C’est en direct sur F3. Après le soir3 arrive sur l’estrade toute la pléiade des invités, appelés chacun par son nom au micro par M.L Gourdon : Guy Bedos, Sabati James, Susan George, Hirsch, Kaci, Rahmouna, Fatiha, Hanane El Cheikh, monsieur le Maire qui se félicité qu’en cette journée de grève nationale, sa ville s’est mobilisée… Puis. Puis… arrive discrètement sur ma droite un gus armé d’un bel appareil photo. Il fait du coude, hésite, met un pied sur l’estrade, puis hésite encore. Il met l’autre pied. Il prend une photo, une deuxième, réajuste son appareil, regarde à droite puis à gauche. Puis devant. Prend une troisième photo. Il s’est créé un espace. Il ne prend plus de photos. Il est parmi les invités. Il s’est invité. Il a réussi son mensonge. Sans scrupule aucun. J’ai honte pour lui. C’est L. Labter. Le maire Aschiéri nous invite à la collation : jus et tapenade. Rendez-vous est donné au parc du château pour voir et entendre jouer L’Orchestre régional de Cannes-Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Je choisi un petit restaurant d’une voie en retrait. Pas mal de monde. Puis rejoins le parc. J’y rencontre Jean Marc. Pour finir la soirée je me dirige à La Strada2 voir « Viva Laldjérie » de Nadir Moknèche avec Nadia Kaci et une actrice qui s’est une petite place au soleil ici. Je l’ai connue à Oran (au Casino de Canastel), il y a de cela une vingtaine d’années… Le film n’est pas terrible. Une histoire de prostituées, de cabarets, de liberté… Un mélange pas réussi.
Dimanche 3
Au café littéraire Malika Mokeddem vente son « Je dois tout à ton oubli », les mêmes rengaines, l’Algérie, machisme, la tradition, la femme récluse… tout ce qu’aiment les éditeurs français. A propos de l’Algérie justement, j’assiste au débat à La Strada2 : « Algérie, peut-on guérir de son histoire ? » avec Wassila Tamzali, Fatima-Besnaci-Lancou, Pierre Joxe, Lazhari Labter et Maissa Bey qui n’était pas prévue. Il y a quelque chose d’insoutenable dans cette tentative récurrente à mettre sur les mêmes plans (parfois avec intelligence hélas, comme ce soir de la part surtout de Besnaci), l’état colonial français et les colonisés algériens. Mettre sur le même plan Aussasseres et Amirouche… Il y a de la vulgarité dans l’air. On met tout les harkis dans le même sac « ils n’ont pas choisi ! » Trop facile et inexact lorsqu’on les voit parader le 14 juillet aujourd’hui encore, fiers de leur passé dans l’armée meurtrière. Même Maissa Bey s’est laissée emporter par un inadmissible « dans cette guerre on ne peut voir qui était victime, qui était bourreau ». Wassila évoque l’assassinat de son père par une jeune recrue du FLN. « La grande douleur des harkis, dit Besnaci est d’être rejetés par les algériens ». L’intervention de Labter est plus acceptable, les massacres à l’Est du pays et la prise de Laghouat en 1852. Même s’il a tenté un parallèle outrancier avec les attentats des années 90, même s’il s’est attardé sur son stand « venez voir, vous y trouverez le dernier ouvrage « le huitième homme de Tiberhine ». Joxe a évoqué les « enfumades » de Bugeaud « Il faut que les français regardent la partie sombre du passé colonial français ». Un vieux monsieur au fond de la salle (200 personnes ?) insiste pour prendre la parole « en tant qu’historien », l’animateur lui demande de patienter, et qu’il aura « la parole en tant qu’historien ». On rit. Ce vieux monsieur c’est le professeur André Nouschi (88 ans),

le natif de Constantine, l’historien de renom qui met les points sur les i « au cœur du colonialisme il y a la négation de l’autre ». « Il est triste de constater que les positions de François Caron ( ??) (un historien colonialiste) sont reprises aujourd’hui avec la création de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, avec le soutien de nombreux politiques. Il est très chaleureusement applaudi. A la fin du débat plusieurs personnes ont regretté qu’il ne fut pas parmi les invité. « C’est lui qui aurait dû être sur l’estrade » A l’extérieur je me présente à Tamzali « les années 90, Alger, le FFS… »

Nous étions dans la même galère (bateau) Elle me dit qu’elle se trouve bien aujourd’hui dans la périphérie, en « réintégrant le groupe de ceux qui n’ont aucun pouvoir, les chercheurs, les universitaires… » En allant au camping-car je rencontre Martin Hirsch.










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El Watan Dimanche 12 décembre 2010

L’ouvrage Laissées pour mortes, le lynchage des femmes de Hassi Messaoud
Prix des Nouveaux droits de l’homme

Ce prix, attribué par l’ONG les Nouveaux droits de l’homme, est «une distinction du sang, celui que nous avons versé du fait du fanatisme et de l’intolérance», nous a déclaré Rahmouna qui, avec Fatiha, ont témoigné dans le livre écrit par Nadia Kaci, Laissées pour mortes, le lynchage des femmes de Hassi Messaoud (éditions Max Milo, 2010).

Paris (France)
De notre bureau


Le 27e prix littéraire annuel des Nouveaux droits de l’homme – une ONG membre de la Commission française consultative des droits de l’homme avec statut consultatif auprès du Conseil économique et social des Nations unies – a été décerné lundi soir, lors d’une cérémonie au ministère de la Culture, à Laissées pour mortes, le lynchage des femmes de Hassi Messaoud de Nadia Kaci. En l’absence du ministre, Frédéric Mitterand, en déplacement en Inde avec le président Sarkozy, c’est son directeur de cabinet qui a remis la distinction à l’auteure du livre et aux deux principales victimes-témoins. Ce prix a déjà été attribué au biologiste Jacques Testard, aux écrivains Amadou Kourouma et Ismaël Kadaré, à Geneviève Antonioz-de Gaulle, à Eric Orsenna et, l’an dernier, à René Guitton pour Ces Chrétiens qu’on assassine.

A souligner que l’artiste Nassima a, par sa présence à cette manifestation, exprimé son soutien aux femmes victimes de violences. C’est en pleurs que Rahmouna et Fatiha ont accueilli cette preuve matérielle que le drame qu’elles ont subi n’est pas «une affabulation» ni «un mensonge» mais «une reconnaissance». «Nous avons sacrifié nos vies, nos enfants, pour parler», souligne Rahmouna. Et Fatiha d’enchaîner : «Nous n’avons pas l’intention de nous taire.» «Nous sommes émues parce que pour Rahmouna et Fatiha, témoigner a été un chemin long et douloureux. Elles ont été peu reconnues et soutenues par rapport à ce qu’elles ont enduré», intervient Nadia Kaci.

«Au début de ma réflexion, je pensais que c’était de l’indifférence vis-à-vis des femmes, aujourd’hui je constate que c’est une volonté politique d’orienter la violence vers les femmes, cette violence est, pour les hommes, un exutoire à leurs frustrations et à leur malvie.» «Ce livre est une alerte.» «On a été accusées d’être des menteuses, des manipulatrices.» «Aujourd’hui, c’est une reconnaissance.» Bravant les tabous et les interdits, Rahmouna et Fatiha ont témoigné publiquement du lynchage dont, avec une quarantaine d’autres femmes, elles ont été victimes dans la nuit du 12 au 13 juillet 2001, dans le bidonville d’El Haïcha, à Hassi Messaoud où elles vivaient, à la suite d’un prêche virulent d’un imam intégriste. Ces femmes, que l’imam a désignées comme «prostituées» parce que vivant seules sont, cette nuit-là, la proie d’hommes déchaînés.

Rahmouna, mère de famille divorcée, était femme de ménage et cuisinière. Fatiha avait elle aussi un emploi modeste. Elles avaient quitté leur région natale, comme d’autres femmes, à la recherche d’un travail pour subvenir aux besoins de leurs familles et pour échapper au terrorisme. Comédienne et femme engagée, Nadia Kaci a suivi leur combat et a publié en France leur témoignage en leur prêtant sa plume Ce drame a également été rendu public par la presse algérienne. El Watan, par les enquêtes, reportages et comptes-rendus de Salima Tlemçani, l’a suivi de près. «Au viol et à la torture devait s’ajouter, pour ces femmes, le calvaire d’être rejetées par leurs familles et condamnées par l’opinion publique.» «Chaque fois qu’on veut rabaisser, humilier ou nuire à une femme, on la traite de prostituée», nous affirmait Nadia Kaci dans un entretien à la sortie du livre (El Watan du 8 mars 2010, ndlr).

A l’issue d’un procès, en 2004, trois hommes sont condamnés à des peines de prison – huit, six et trois ans respectivement – tandis que six autres sont acquittés. Vingt condamnations à vingt ans, quatre à dix ans et une à cinq ans l’ont été par contumace. Ces coupables-là courent toujours. Le drame d’El Haïcha montre combien la condition des femmes, en Algérie, est précaire, voire sans protection réelle et efficiente. Le nombre d’agressions dont elles sont quotidiennement l’objet est en augmentation. Sans que cela suscite l’indignation de la collectivité nationale ni celle des pouvoirs publics.

Le code de la famille qui fait de la femme une mineure à vie et qui peut être répudiée à n’importe quel moment est, à cet égard, dévastateur tant il fragilise les femmes et leurs enfants et, par extension, la société dans son ensemble. La sonnette d’alarme n’a-t-elle pas été tirée maintes fois par des spécialistes et des professionnels avérés ? L’autisme des gouvernants n’est pas moins dévastateur.

Nadjia Bouzeghrane
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