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lundi, août 23, 2010

220 - Bêtise

Interdiction de participation des éditeurs égyptiens au SILA
Smaïn Ameziane attise la colère des intellectuels
La bêtise humaine s’est invitée au Salon international du livre d’Alger (SILA). C’est ce que de nombreux intellectuels ont constaté depuis que les déclarations incendiaires et insensées du commissaire du Salon, Smaïn Ameziane, ont fait le tour du monde arabe.
Ma conscience ne me permet pas d’inviter les Egyptiens, aujourd’hui, bien que parmi eux, il y a des amis. C’est par respect pour le peuple algérien et les gens qui ont été maltraités au Caire lors de la rencontre entre l’équipe nationale de football et son homologue égyptienne que cette décision a été prise, le contraire aurait été de la pure provocation.» Cette phrase explosive et hostile sortie de la bouche d’un éditeur, à entendre donc un homme de livres et de culture, a suscité moult émois sur la scène culturelle algérienne. En effet, les dénonciations se sont multipliées ces dernières heures car de nombreux passionnés du livre n’ont pu comprendre comment peut-on mélanger des affects populaires liés au football à une exposition culturelle de l’envergure du SILA ! Cette interdiction de livres égyptiens à la prochaine édition du SILA a choqué plus d’un en Algérie. Pour preuve, une pétition a été lancée sur le web ces dernières 48 heures pour appeler à la levée de cette décision, qualifiée par plus d’un d’«irréfléchie». Les signataires de cette pétition, de plus en plus nombreux, dénoncent la «politisation outrancière» de cet évènement culturel.
Un mépris arrogant vis-à-vis de la culture de nos peuples. «La ministre de tutelle s’est publiquement déchargée du problème sur ce responsable qui affirme fièrement la souveraineté de sa décision. Il affirme défendre la dignité du pays et de son histoire. Comme si nos valeureux martyrs pouvaient être satisfaits d’une telle dérive, qui se traduit par un mépris arrogant vis-à-vis de la culture de nos peuples. Comme si on pouvait unilatéralement punir la littérature égyptienne et le lectorat algérien alors même qu’on continue à jouer des matchs de football, source initiale de tout ce scandale, avec des équipes égyptiennes», relève-t-on dans l’appel de la pétition. Pour les rédacteurs de cet appel, «il s’agit bien là d’une attitude chauvine qui révèle, en fait, le peu d’égard que le livre en particulier et la culture en général ont toujours eu dans notre pays et la propension de certains de nos responsables à dénoncer au lieu d’éduquer».Pour l’heure, cette pétition a drainé une centaine de signataires. Ils sont écrivains, artistes, journalistes, musiciens, etc. Ils viennent d'horizons divers, mais ont tous pour point commun une colère profonde contre cette décision irréfléchie adoptée par un commissaire dont on ne sait pas s’il est réellement soucieux de la culture ou de la politique.

Abderrahmane Semmar
in El watan lundi 23 août 2010

jeudi, août 19, 2010

219- Mort de Tahar Ouettar




Je viens d'apprendre la mort de l'écrivain algérien Tahar Ouettar qui a fait tant couler d'encre. Je regrette le silence de la presse algérienne qui se contenta de quelques lignes.

Quelque très discutable qu'ait pu être son attitude (condamnable) vis à vis des intellectuels algériens francophones, quelque puisse être notre désaccord avec lui, il n'est pas correct de passer sous silence son décès et ses écrits (il est arabophone) en se contentant du strict minimum. Tahar Ouettar est un écrivain qui a marqué la littérature algérienne. Nombreux sont ses romans qui ont été traduits en français. Cette attitude de la presse algérienne fortement partisane relève de la vengeance (basse) qui ne l'a pas abandonnée et de la puérilité. Elle ne joue pas son rôle d'information.
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L'écrivain algérien Tahar Ouettar est décédé jeudi à Alger à l'âge de 74 ans des suites d'une longue maladie, a annoncé officiellement par l'agence APS, qui cite des sources familiales.
La mort de Tahar Ouettar, née en 1936 à Sedratta, dans le département de Batna, à 420km à l'est d'Alger, survient suite à une longue maladie qui l'a conduit à des séjours réguliers dans un hôpital parisien, où il suivait des soins après une intervention personnelle du président Abdelaziz Bouteflika.
Tahar Ouettar était l'un des auteurs algériens en langue arabe les plus prolifiques. Parmi ses romans, figurent "Al-Laz", "Zilzel" (séisme, NDLR), "Le pêcheur et le palais", "Noces de mulet", ou encore "Romana". Au théâtre, on lui doit "Sur l'autre rive" ou "Le fugitif". Tahar Ouettar est aussi l'auteur de nouvelles comme "Les martyrs reviennent cette semaine" et "Fumée dans mon coeur".
Il présidait également une association culturelle, "Al Djahizia", du nom du poète arabe Al Dajhiz (776-868), qui décerne chaque année un prix pour les jeunes écrivains et poètes du monde arabe.
Tahar Ouettar était aussi connu pour ses talents de polémiste, prenant position dans la presse sur des questions politiques. Il était notamment l'adversaire des écrivains algériens francophones, qu'il accusait d'être "les vestiges du colonialisme".
AP 12 août 2010
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Algérie -
Article publié le : samedi 14 août 2010 - Dernière modification le : samedi 14 août 2010

Algérie : l'écrivain Tahar Ouettar inhumé vendredi à Alger

Par RFI



Le célèbre écrivain arabophone Tahar Ouettar, décédé des suites d’une maladie, a eu droit hier, vendredi 13 août 2010, à des obsèques officielles au cimetière d’El Alia, dans la banlieue est d’Alger. L’oraison funèbre a été prononcée par le ministre des Affaires religieuses. Le président du Sénat, le secrétaire général du parti FLN (le Front de libération nationale) et plusieurs membres du gouvernement étaient présents.
C’est un « pionnier du roman et un des illustres écrivains » de l’Algérie qui s’en va, a souligné le président Bouteflika dans son message de condoléances à sa famille.
Tahar Ouettar a laissé une série d’ouvrages littéraires en arabe dont plusieurs ont été traduits dans diverses langues dont le français, parmi lesquels Les martyrs reviennent cette semaine, Noces de mulet et L’As.
Issu d’un milieu modeste, Tahar Ouettar - qui a notamment étudié à la Zeitouna de Tunis -, était à l’indépendance commissaire du parti FLN (Front de libération nationale) , avant de devenir journaliste, puis de basculer complètement vers l’écriture. Il a été directeur général de la radio au moment de l’ouverture démocratique en 1990-1991.
Tout en écrivant, il animait une association littéraire « al-Djahidia ». Homme de culture, il était aussi polémiste et provocateur. En 1993, après l’assassinat du journaliste et écrivain francophone Tahar Djaout, il avait déclaré que « c’est une perte pour sa famille et pour la France ». Ces propos avaient fait scandale. Avant de mourir d’un cancer, Tahar Ouettar, s’était fait soigner en France durant des mois.

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Ultime hommage
Un ultime hommage a été rendu vendredi au palais de la Culture à Alger à l’écrivain Tahar Ouettar décédé jeudi à l’âge de 74 ans des suites d’une longue maladie. Etaient présents à cet hommage, Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la nation, Abdelaziz Belkhadem, ministre d’Etat, représentant personnel du président de la République, ainsi que Khalida Toumi, ministre de la Culture. De nombreuses personnalités du monde de la culture, des amis et des proches du défunt étaient également présents à cette cérémonie. "La disparition de Tahar Ouettar est une perte, non seulement pour sa famille, mais pour la nation tout entière. C’est en nous inclinant devant sa dépouille que nous réalisons le grand vide que son départ a désormais laissé", a indiqué M. Belkhadem. La ministre de la Culture a, pour sa part, mis en évidence le fait que le défunt était une "véritable école " qui a inspiré les créateurs, les étudiants et les chercheurs arabes et étrangers. Elle a rappelé que les œuvres de Tahar Ouettar ont été traduites dans de nombreuses langues étrangères, ce qui atteste du respect qu’on lui voue et de la place qu’il occupe dans la littérature mondiale.
De leur côté, des hommes de lettres et de culture ont salué l’œuvre de Tahar Ouettar qui a marqué de son empreinte la scène culturelle nationale. Pour Larbi Ould Khelifa, président du Conseil supérieur de la langue arabe, Tahar Ouettar était un intellectuel qui prenait en charge les attentes du peuple et qui a beaucoup donné à la langue arabe. Citant quelques-unes des œuvres du défunt, l’écrivain Amine Zaoui, a, quant à lui, insisté sur le fait que Tahar Ouettar était considéré comme un ambassadeur culturel de son pays et quelqu’un qui a grandement contribué à faire connaître la littérature algérienne.
Ouassini Laâredj a, lui, relevé que Tahar Ouettar n’a jamais fait preuve d’indifférence face aux questions qui se posaient avec acuité dans son pays. "Une fois l’émotion passée, nous nous devons de réfléchir à une méthode à même de faire perpétuer l’immense héritage légué par le défunt", a indiqué M. Laâredj.
Considéré comme l’une des figures littéraires incontestables de l’Algérie, Tahar Ouettar a fondé en 1989 l’association culturelle Al Jahidya. Il a reçu plusieurs prix et distinctions, dont notamment le prix Sharjah de la culture arabe décerné par le comité exécutif de l’Unesco. Parmi les ouvrages célèbres de Ouettar, il y a "Al-Zilzal" (1974), "Les noces de mulet" (1988) et "Les martyrs reviennent cette semaine", nouvelle qui a été adaptée au théâtre et qui a reçu le premier prix du festival de Carthage.
Publié le : vendredi 13 août 2010 | APS
In : http://www.setif.info/article4655.html

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http://www.algerie-monde.com/arts-artisanat-cinema-musee-theatre-algerien/ecrivain-tahar-ouettar.html

Tahar OUETTAR, journaliste, et romancier, trouve naturellement sa place parmi les fondateurs de l'avenir littéraire de l'Algérie en langue arabe. Animateur infatigable, il apporte la même fougue aux soirées littéraires que dans ses écrits. Observateur perspicace et impitoyable. Il multiplie les contacts aussi bien autour d'une table de café qu'en parcourant le pays de long en large. Et son art d'écrivain, à celui du céramiste, transfigure le fruit de ses observations.

Son enfance s'est déroulée dans un canton de l'Est Algérien où il a vu le jour en 1936. Ecoutons- le parler lui-même de ses premières années dans le petit village de SEDRATA près de M'DAOUROUCH entre ANNABA et TEBESSA « Je suis né dans un douar de la compagne, d'une famille qui comptait quatre garçons, mon père en a mis deux à l'école de langue française, deux à l'école en langue arabe. J'ai vécu dans la pureté, de l'existence, nourri du spectacle des collines sur lesquelles tombait le crépuscule, jouant de la flûte derrière les brebis et les oies. J'ai été témoin de l'herbisme . Ma mère accouchant toute seule, ma mère encore montant la garde la nuit sur le toit. J’ai saisi le sérieux de la nature et des hommes qui m’entouraient. Dans le coran que j’apprenais par cœur, j’ai reconnu l’éloquence et la beauté. Ceci se passait avant la Révolution ; depuis d’autres facteurs sont venus enrichir ma personnalité ».

Après l’école de M’Daourouch, les études le conduisant successivement à l’Institut Ben Badis « Constantine », puis à la Zitouna de Tunis (début 1954), grand lecteur, il déclare « Je retenais par cœur des œuvres de Jibran Khélil Jibran, de MiKhaïl Nu’yma, ainsi que les poèmes d’Iliya Abu Mabi, " devenu à son tour écrivain, il affirme prendre en considération toutes les écoles, sans s'inféoder à aucune d'elles. Vers 1955, à Tunis, il commence à publier des nouvelles dans les journaux. Une de ses nouvelles-NOUA- revêt une importance particulière d'une part, elle a donné naissance à un film ; d’auteur date du jour où il l’a écrite son adhésion à l’idéologie socialiste et depuis il n’a plus jamais séparé sa tache d’homme et d’écrite et d'écrivain de son engagement politique.

Comme journaliste, Tahar OUETTAR a fondé successivement deux périodiques, en 1962-1963 : « Al-Jamahir », « Al Ahrar », En 1972-1974, anime le supplément culturel « l’hebdomadaire du quotidien-Al-Chaab. Dans l’ensemble de son œuvre, Tahar OUETTAR , tout en visant à la clarté dans le contenu et dans la forme, s’efforce de saisir le réel dans toute sa complexité, sous tous ses aspects économiques….Il passe avec aisance du registre réaliste au registre symbolique, sa force vient sans doute d’une sincérité profonde et de ses convictions.

En 1972-1974, il anime le supplément culturel hebdomadaire du quotidien « AL-CHAAB ».

- Il préside depuis 1989 L’Association culturelle Aljahidhiya

Ses oeuvres:
-Fumée de mon coeur-Nouvelles (Tunis 1962)
-Le fugitif-Pièce de théâtre (SNED1969)
-Les coups-Nouvelles (SNED1971)
-L'AS-Roman (SNED1974)
-Al-Zilzel (Le séisme) Roman (SNED 1974)
-Les martyrs reviennent cette semaine-Nouvelles (Bagdad 1974-Alger1980)
-Noces de mulet- Roman, (Beyrouth 1980)
-Le pêcheur et le Palais-Nouvelles (ENAP 1981)
-Expérience amoureuse- Roman Alger 1989.
-Aimer et mourir à l'ère Harrachite - Roman Alger 1978
-La bougie et les cavernes - Roman Alger 1995
-Le saint Tahar regagne son sanctuaire - Roman Alger 1999
-Printemps bleu-Traduction du recueil de poème « Apprentis du printemps » du poète français Combes.

La plupart de ces œuvres ont été rééditées, soit en Algérie, soit au moyen Orient. Plusieurs fois ont été traduites ; en diverses langues.

Par Marcel BOIS

dimanche, août 08, 2010

217- Quelques jours dans le Haut-Verdon.


Photo: Gorges du Verdon


Camping du Lac 8 Août, 12Heures :

Nous sommes partis le vendredi dernier vers 10 heures en direction de Saint Julien du Verdon au bord du Lac de Castillon (Alpes de Hautes Provence).


Photo: Moustier













Photo: Lac de Sainte-Croix



Nous avons traversé différents villages, comme Gréoux les Bains, et le très beau village situé en hauteur: Moustiers Ste Marie. Ensuite nous avons longé les gorges du Verdon. Beaucoup de monde en cette première décade d'août. A Castellane nous avons pris la direction de St Julien un petit village,qui a été immergé pour la création du lac. Aujourd’hui il ne reste que le village situé en hauteur, sans commerces, ni banques, ni poste.
Nous sommes installés dans le camping du Lac. Il contient environ 70 emplacements avec un minimum de commodités (douches, wc, bac à vaisselle et linge, machine à laver le linge). Il y a peu d'espace entre les campeurs au point que nous sommes les uns sur les autres si j'ose dire.


Photo: St Julien du Verdon

A 8 kms au Nord du village, il y a une pet
ite ville, St André des Alpes, qui borde le lac de Castillon. Petite ville sympathique qui s’érige au confluent du Verdon et de l’Issole. On y trouve un marché qui contient différents produits alimentaires de bonnes qualités, mais un peu chers.



Photo: Saint-André des Alpes

Alentours arbres fruitiers et lavande….
A 14 kms au Sud du village, se situe la ville de Castellane. Elle se trouve au "carrefour de la route Napoléon et de la route du Haut Verdon, près du fameux canyon.



Photos: Marché de Castellane


La ville est redevable à son ‘Roc’, gigantesque falaise calcaire qui la domine de 184 mètres." (le guide Michelin – Alpes du Sud – 1996 p. 8O). Dommage qu’il y ait trop de touristes.

Le soir apéro au pub le Glacier chez Jo où se produisait un sympathique groupe de blues- jazz.

216- Les Sardinades de Port de Bouc.


Jeudi 5 Août :soirée aux sardinades à Port de Bouc. Beaucoup de monde pour un jeudi venteux.

jeudi, août 05, 2010

215- Festival international de Piano à La Roque d'Anthéron

Très belle soirée hier à La Roque. J'y suis allé avec Dj., son fils H et A. un ami de Dj.

Si quelqu'un vous assure qu'à partir de Salon de Provence il est plus rapide d'y accéder en passant par Lambesc, ne le croyez surtout pas ! Allez-y via Lamanon vous gagneriez deux fois plus de temps (si vous êtes pressés, autrement...) [Vérification faite de nouveau: Croyez-le ! la route est effectivement plus courte]

Nous avons fait une
halte au Temps des cerises, halte assez marquée par l'émotion.


Un retour sur le bled, et discussion avec un couple, deux voisins de table fort sympathiques, en vacances dans la région (venus de Paris).













Nous avons achevé la soirée au Parc du Château de Florans. Une soirée dédiée à Pierre Boulez à l'occasion de ses 85 ans.
Nous n'avons assisté qu'à la première partie (photos)









Distribution:
Sébastien Vichard piano, Hideki Nagano piano, Dimitri Vassilakis piano, Ségolène Brutin harpe, Sandrine Chatron harpe, Marianne Le Mentec harpe, Gilles Durot percussions, Samuel Favre percussions, Michel, Cerutti percussions, Ensemble intercontemporain.
Susanna Mälkki direction
Debussy - Bartók – Boulez

Debussy : En blanc et noir pour deux pianos
Bartók : Sonate pour deux pianos et percussion Sz. 110

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PIERRE BOULEZ

Né en 1925 à Montbrison (Loire), Pierre Boulez suit les cours d’harmonie d’Olivier Messiaen au Conservatoire de Paris. Il est nommé directeur de la musique de scène à la Compagnie Renaud-Barrault en 1946. Soucieux de la diffusion de la musique contemporaine et de l’évolution des rapports du public et de la création, Pierre Boulez fonde en 1954 les concerts du Domaine musical (qu’il dirige jusqu’en 1967), puis en 1976 l’Institut de Recherche et Coordination acoustique/musique (IRCAM) et l’Ensemble intercontemporain. Parallèlement, il entame une carrière internationale de chef d’orchestre
et est nommé en 1971 chef permanent du BBC Symphony Orchestra et directeur musical du New York Philharmonic Orchestra.
Directeur de l’IRCAM jusqu’en 1991, professeur au Collège
de France de 1976-1995, Pierre Boulez est l’auteur de nombreux écrits sur la musique.
Il est invité régulièrement aux festivals de Salzbourg, Berlin, Edimbourg, et dirige les grands orchestres de Londres, Chicago, Cleveland, Los Angeles, Vienne ainsi que l’Ensemble intercontemporain avec lequel il entreprend de grandes tournées. L’année de son 70ème anniversaire est marquée par une tournée mondiale avec le London Symphony Orchestra, et la production de Moïse et Aaron à l’Opéra d’Amsterdam dans une mise en scène de Peter Stein. Une grande série de concerts avec le LSO en Europe et aux Eta
ts-Unis, mettant en perspective le répertoire orchestral du XXe siècle domine les huit premiers mois de l’année de son 75e anniversaire. Retourne à Bayreuth en 2004/05 pour Parsifal. L’année de ses 80 ans est marquée par de nombreux hommages et célébrations qui accompagnent ses tournées de concerts. Monte avec Patrice Chéreau De la maison des morts à Vienne, Amsterdam et Aix en 2007. Fin 2008, il est le “Grand invité” du Louvre. Dirige pour la septième fois l’Académie du Festival de Lucerne en été 2009.
Tout à la fois compositeur, auteur, fondateur et chef d’orchestre, Pierre Boulez se voit décerner les distinctions telles que Prize of the Siemens Foundation, Leonie Sonning Prize, Praemium Imperiale of Japan, The Polar Music Prize, le Grawemeyer Award pour sa composition sur Incises, le Grammy Award de la meilleure composition contemporaine pour Répons, et il est à la tête d’une importante discographie. Son catalogue comprend une trentaine d’œuvres allant de la pièce soliste (Sonate pour piano, Dialogue de l’ombre double pour clarinette, Anthèmes pour violon) aux œuvres pour grand orchestre et chœur (Le Visage nuptial, Le Soleil des eaux) ou pour ensemble et électronique (Répons, ...explosante-fixe...). Ses dernières compositions sont sur Incises, créée en 1998 au Festival d’Edimbourg, Notations VII, créée en 1999 par Daniel Barenboïm à Chicago, et Dérive 2, créée à Aix-en Provence en été 2006.
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Susanna Mälkki

Née à Helsinki, Susanna Mälkki mène une brillante carrière de violoncelliste avant d’étudier la direction d’orchestre avec Jorma Panula et Leif Segerstam à l’Académie Sibelius. De 2002 à 2005, elle est directrice artistique de l’Orchestre symphonique de Stavanger.
Profondément engagée au service de la musique contemporaine, elle collabore avec de nombreux ensembles - Klangforum Wien, Birmingham Contemporary Music Group, ensembles ASKO, Avanti ! - avant d’être nommée directrice musicale de l’Ensemble intercontemporain en 2005.
Susanna Mälkki s’investit également beaucoup dans l’interprétation du répertoire symphonique et de l’opéra classique et contemporain. Elle parcourt le monde pour diriger de nombreuses et prestigieuses formations parmi lesquelles les orchestres philharmoniques de Berlin, Los Angeles, Munich, Radio France, les orchestres symphoniques de Boston, San Francisco, Birmingham, de la BBC et de la NHK (Tokyo) ou encore le Royal Concertgebouw Orchestra, les Wiener Symphoniker ou le Bayerischer Rundfunk.

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dimanche, août 01, 2010

214 - Alger, un espace culturel disparaît : l'Espace Noûn


photo La Tribune

Après avoir irradié sur la scène culturelle algéroise La librairie Espace Noûn meurt dans le silence des étoiles L’Espace Noûn va fermer ses portes. La mort annoncée de cette expérience unique de librairie s’accomplit dans le silence des agonies solitaires. Et comme pour les morts acceptées, il ne s’agit plus que des derniers gestes qui mettent de l’ordre dans les affaires des défunts : ne rien oublier de rendre avant de refermer la porte et la tombe sur le rêve. Mais le projet de librairie Espace Noûn relève-t-il de l’ordre du rêve ou bien d’une autre projection ? Revenons à l’essentiel de ce projet. Le 4 ou le 5 janvier 2006, Nacera Saïdi et Tahar Arezki invitent les amoureux des livres et des arts à rencontrer, dans leur toute nouvelle librairie, Boudjemaa Karèche l’ancien directeur de la Cinémathèque algérienne. Ce signe pèsera-t-il sur le destin de leur librairie ? Pour ceux qui ne le savent pas, Boudjemaa Karèche a fait de la Cinémathèque algérienne un haut lieu de la culture cinématographique, un épicentre des échanges internationaux en matière de cinéma. Il continuait l’œuvre entamée par Ahmed Hocine. Mais au bout de sa vie professionnelle, Boudjemaa Karèche, sortait au plus bas échelon possible du classement de la fonction publique. Ouvrir une librairie autour d’un homme qui est, pour sa génération, le symbole de l’ingratitude de l’Etat envers un commis qui n’a rien négocié comme effort. Mais pourquoi Karèche a-t-il accepté de rester directeur non nommé de la Cinémathèque ? Parce qu’il aimait le cinéma ! Et il aimait le cinéma sous cet aspect musée du cinéma, sous cet aspect cinémathèque. Il n’y cherchait ni prestige, ni poste à l’étranger, ni carrière dorée. Karèche peut passer pour un naïf, un rêveur, voire un loser. Mais de prime abord, le rapport entre le destin de cette personnalité algéroise et l’Espace Noûn ne relevait pas de cet ordre de l’échec ou de la perte ou de l’irréalisme, mais plutôt de cet amour par vocation de l’art et de la culture. Bref, par ce signe qui ne trompe pas les «réalistes» qui voient immédiatement dans ce genre de démarche beaucoup de louable générosité, plus une dose létale de rêverie, mais aussi une belle opportunité pour leur propre promotion. Les réalistes restent des réalistes qui peuvent faire profit même des utopies.
La librairie ressemblait plus à une bibliothèque personnelle, à un salon, à un chez-soi qu’à une vraie librairie. Des cimaises couraient sous les plafonds, de véritables meubles fabriqués spécialement donnaient aux livres un petit air amical, convivial. La forme et la structure de ces meubles dégageaient beaucoup d’espace et de lumière. Et au fond, cela devenait naturel qu’un visiteur ait envie de s’asseoir et d’engager la conversation.
C’était fait pour cela. Boudjemaa Karèche inaugurait un cycle de rencontres qui n’allaient plus cesser et qui pouvaient réunir les invités autour d’un comédien, d’un poète, d’un livre politique, d’un peintre, d’un photographe. Bref, autour de créateurs sans exclusive ou de militants, etc.
L’Espace Noûn amenait un nouvel esprit, une autre approche et certainement un autre lien à la fonction de la librairie. La première caractéristique de ces débats et de ces rencontres résidait dans leur but autonome. On sentait bien que ni Nacera ni Arezki ne les organisaient pour vendre. Que ce soit vendre des livres ou autre chose. L’important restait le débat, l’échange, la controverse car il y en a eu parfois. A la longue, l’habitué pouvait s’apercevoir que les débats dans cette librairie exiguë ressemblaient par bien des aspects à un théâtre antique, à une agora ou à une re-mise en scène des idées : le créateur avait son public. Et entre les deux s’établissaient les rapports du non-accidentel, car les rencontres étaient permanentes. Elles n’attendaient pas la formalité de la dédicace. L’Espace Noûn suscitait les rencontres et ne les attendait pas. Cela finissait par enlever à ces rencontres le côté marchand, le côté commerce.
Non pas que le commerce des livres ne fut pas le métier de l’Espace Noûn ; il n’était pas sa vocation tout simplement. On baignait dans cette impression à l’intérieur de la librairie. Sans se rendre tout à fait compte. Il faut faire plusieurs fois le tour des titres pour s’apercevoir qu’on ne trouve aucun livre à vocation marchande. Ni livres techniques, ni livres de cuisine, ni livres de bricolage, ni livres de médecine, etc. Rien que de la littérature, de la poésie et des essais.
Et aussi des photos, des toiles, des caricatures, de la musique. Bref, cette librairie ne relevait pas seulement de l’irréalisme, mais aussi du défi. Cette librairie n’allait pas tenir seulement avec la littérature et la poésie ? Les débats, les échanges, les rencontres, c’est bien, mais «ça ne vend pas». Pas aussi vrai que cela. La même idée de débats reprise dans une autre perspective pouvait très bien donner prétexte à des activités et des profits annexes. Il suffirait pour cela de mettre le cosmétique nécessaire à l’idée de profit et au rapport marchand et la relation à visée commerciale et lucrative aurait revêtu les habits désirables de la culture.
Mais bien sûr que l’Espace Noûn a fait débat ! Les «réalistes» ne furent pas seuls à penser la question de la pérennité et de la rentabilité d’une librairie vouée aux arts et à la littérature. Les amis de Nacera et d’Arezki ont aussi réfléchi. D’un point de vue amical, d’un point de vue solidaire ou fraternel, mais la question des sous revenait toujours. Car de quelque façon on retournait la question, la mauvaise question revenait toujours : les débats, c’est un luxe des riches, en l’occurrence un luxe des librairies riches. «Assurez votre pain ! Le reste viendra.» Qu’est-ce qui gêne tant dans l’expérience de l’Espace Noûn et qui fait sa mort dans le silence réel des condoléances faussement attristées que vont prononcer quelques journaux ? Car c’est un bien grand silence qu’observe la presse dite moderne et démocratique quand on compare aux tempêtes qu’elle a soulevées pour d’autres cas. Il y a comme un défaut dans la logique de l’Espace Noûn : Nacera et Arezki ont voulu agir en dépit des contraintes marchandes. Ils auraient dû faire quoi ? Créer une association ? Faire du bénévolat pour la lecture le soir après les heures de boulot ? Chercher un mécène ?
Justement, ce n’est pas ce qu’ils voulaient. Leur défi était qu’à l’intérieur du système marchand lui-même, ils allaient se battre pour faire exister un îlot non marchand pour la culture. Maintenant on peut juger comme on veut. C’est un projet fou, c’est un projet pas tenable, c’est un projet gauchiste ? On peut multiplier les analyses sympathiques comme les analyses hostiles. Mais la seule façon de voir en face le problème reste de l’affronter : Et alors, forcément le livre, les arts, la culture, doivent accepter la contrainte du marché en attendant la grande révolution qui libérera tout, les patates comme le cinéma, des lois du marché ? Est-ce bien cela le seul destin du rapport à la culture ?
Au lendemain de l’indépendance nous avons, quelques centaines ou quelques milliers, arpenté les campagnes pour alphabétiser les paysans. Peu de gens peuvent répondre avec certitude que les paysans ont aimé ces rapports de jeunes imberbes enthousiastes à leur apprendre l’alphabet. Ces campagnes d’alphabétisation finirent par s’enliser et disparaître. D’autres formes les ont remplacées et tant mieux que l’école ait transformé en droit accessible ce que nous voulions prodiguer comme acte de transformation des villes et des campagnes. Comme acte révolutionnaire. Mais de cette lointaine époque au moment où les maquisards abandonnaient les dures conditions des montagnes, nous y allions, nous, pour prolonger le pacte écrit dans le sang. Et ce pacte nous disait que les rapports entre Algériens, en particulier, et entre les hommes, en général, ne devaient pas obéir aux critères marchands. Qui allait chez Nacera et chez Arezki pour les débats et cela était-il significatif d’un autre rapport à la culture et aux livres ?
C’est de ce lointain souvenir des campagnes d’alphabétisation, des premiers ciné-clubs, des premières passions poétiques, que se trouvent quelques justifications de l’Espace Noûn. Et la bonne question n’est pas de savoir si Nacera et Arezki avaient raison de créer cet espace. Cette question revient toujours à répondre sur la base des critères pratiques qui sont aujourd’hui ceux du marché et de l’argent. La bonne question est de savoir s’ils avaient le droit de le faire, le droit de penser dans des termes non marchands. Et cette question revient à se demander si les Algériens ont droit à un autre type de rapport au livre et aux arts ; s’ils ont droit à des «Espaces Noûn». Si les Algériens ont le droit à l’utopie de ce rapport à la culture ; l’utopie d’un autre rapport aux hommes tout simplement. L’utopie mystique de ce celui qui a «vu les étoiles copuler» et a inspiré en partie le nom de cette librairie.

Mohamed Bouhamidi In : La Tribune du 22 juillet 2010
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Espace Noûn, espace mort
La célèbre librairie Espace Noûn d’Alger, espace multiculturel, lieu de rencontres, débats, expositions et bien sûr de vente de livres, ferme pour cause de difficultés financières. Elle aura tenu cinq ans, comme un mandat présidentiel. Cinq ans d’échanges, de réflexions et d’indépendance littéraire. Les Algériens ne lisent pas ? Si, explique la libraire, plus qu’on ne le pense, mais le livre est encore trop cher. Une librairie, si elle n’est pas propriétaire de son local ou ne joue pas sur les pré-ventes avec le ministère et les commandes institutionnelles plus ou moins orientées, a du mal à survivre, à cause des dysfonctionnements voulus ou pas, dans la chaîne auteur-éditeur-imprimeur-diffuseur-libraire. Témoignages autour d’un enterrement précoce, au moment même où la nouvelle loi de finances annonce, trop tard, un abaissement à 7% des taxes sur le livre. Livre ouvert autour d’un lieu fermé.

Arezki (Kiki), libraire : La symbolique du Noûn

photo El Watan


Les civilisations mésopotamienne et pharanoique l’avaient élu comme étant l’océan mythique d’où a germé toute la création, les trois religions monothéistes l’avaient repris autrement dans leurs livres. Ibn Arabi dans son livre La Science des lettres décompose le Noûn et la part infinitésimale d’éternité que Dieu a insuflé dans chaque être humain. Les poètes andalous, post-andalous, Ben M’Sayeb, Ben Sahla, Bentriki, le reprennent comme symbole de la matrice, de la fécondité et de la féminité. Jean Sénac en a fait aussi le titre d’un de ses recueils : Le Diwan du Noûn. Hassan Hamdane, philosophe et poète libanais, ami de Kateb Yacine, exilé dans les années 1970 à Constantine et lâchement assassiné debut des années 1980 à Beyrouth, dans la rue d’Alger, a écrit un roman intitulé L’Espace du Noûn traduit par Abdellatif Laâbi.C’est pour tout cela que la seule quête qui nous a animés durant toutes ces années, c’est celle de la poésie, de l’ancrage dans la culture nationale et universelle.
Karim Amity, animateur télé
Lorsque le désert avance, c’est tout qui meurt un peu. La mort d’une librairie, c’est de l’obscurité qui avance. Il y a de moins en moins d’espaces culturels, les gens disent qu’il ne faut pas crier au loup, moi je crie au loup. Des librairies disparaissent, mais rien ne vient prendre leur place. Je suis d’accord pour qu’il y ait des pizzerias ou que des investisseurs mettent de l’argent dans des affaires commerciales, mais il faut des librairies, elles donnent vie à un quartier, comme l’Espace Noun l’a fait pendant des années, c’est devenu presque une institution. Ce qui m’a le plus touché dans cette fermeture, c’est que les riverains, les gens du quartier, se sont mis eux-mêmes à la recherche d’un local pour la librairie. Ce qui m’a aussi touché aussi, c’est que pendant ces dix derniers jours, il y a eu un monde terrible, des centaines de personnes sont venues acheter des livres parce qu’il y avait des réductions conséquentes. Donc les gens achètent des livres, sauf que ceux-ci sont trop chers. C’est la leçon, je crois, de cette mort annoncée.
Client, architecte, voisin
Les gens ne lisent plus. Je m’oblige à lire, je dépense 4000 DA par mois environ pour les livres. J’achète aussi des livres techniques, pas uniquement de la fiction. Bien sûr, une librairie ferme, c’est dommage... Moi qui habite à côté, je venais souvent ici. Mais bon, c’est une question de loyer, c’est vrai que les prix des loyers sont exorbitants.
Jaber, vendeur à la librairie, étudiant
Oui, je suis triste. Libraire est un bon métier, on lit beaucoup, c’est passionnant. Mais il y a une concurrence malsaine entre les librairies et beaucoup d’entre elles ne sont finalement que des espaces de vente de livres, alors qu’une librairie c’est quand même un peu plus que cela. Mais bon, l’Espace Noûn ferme, j’arrête ce métier et je vais passer au cinéma, mon rêve depuis longtemps.
Mustapha, gardien de parking du quartier
Ce n’est pas normal que cette librairie ferme. Les propriétaires sont des gens bien, on les as connus, adoptés très vite et nos enfants viennent ici lire des livres. Dans le quartier, on les aime bien, ils l’ont embelli. Les artistes viennent, les intellectuels, écrivains, ça donnait vie au quartier. C’est une question de coût, les locaux sont trop chers. Normalement, l’Etat devrait les aider.
Ramdane Iftni, réalisateur
C’est un peu normal que la libraire Noûn ferme, une librairie c’est surtout du commerce, il ne faut pas trop faire d’idéologie.
Azzedine, fils de libraire
Je suis content, c’est une délivrance, au moins je verrai mes parents. Une librairie, ça prend trop de temps.
Annie Steiner, moudjahida
L’Espace Noûn va fermer sous peu. Nacéra et Kiki iront continuer leur vie ailleurs. Où ? Ils ne le savent pas encore. C’est l’économie de marché… du marché des riches rentiers.Terminées, pour les habitués du lieu, ces rencontres empreintes d’une convivialité véritable, où Nacéra nous présentait des livres et suscitait des débats. Car, pour elle et pour Kiki, un livre ne se vend pas comme des pommes de terre, encore que la pomme de terre, mieux considérée, a eu l’honneur d’un Conseil des ministres. Et c’est par la loi n°31-01 du 7 février 1981 portant cession des biens immobiliers que tout a commencé. Flattant l’esprit de petit propriétaire qui sommeille chez un grand nombre de citoyens, on a bradé les biens vacants à vil prix. Les décrets d’application ont été élaborés, discutés et votés par l’APN en deux ans et demi ; de beaux textes pour certains, mais jamais appliqués. Certains s’y préparaient depuis longtemps et savaient pertinemment ce qu’il convenait de faire... et ils l’ont fait. Personnellement, j’étais contre l’existence de cette loi, pressentant la ruée sur les locaux commerciaux et autres. Certains se sont retrouvés très vite propriétaires de nombreux locaux commerciaux et autres, de plusieurs appartements, et sont devenus de riches rentiers. Ils ont accaparé la belle Algérie que nous avions donnée surtout aux pauvres. Pour Nacéra et Kiki, il s’agit de non-renouvellement du contrat de location. Tout simplement ! Terminés les échanges de points de vue sur les livres dans un endroit accueillant et aménagé avec goût. Et je me souviens de ce que m’a dit Kiki, un jour où nous discutions de la guerre de Libération nationale : « Annie, nous sommes orphelins. » Je ne leur dirai pas « courage », car ils en ont à revendre, mais simplement « à bientôt ».
Nacéra Saïdi, libraire Solde du compte
J’ai encore envie de parler de livres au moment où je fais ce que j’ai toujours mal fait, solder les comptes. Alors voilà les derniers coups de cœur d’une libraire qui va changer de vie :
Hassen Zahar, Miroir d’un fou, aux éditions Barzakh, un texte fort, dur, sans concession d’un homme qui va droit dans le mur parce que… libre et qui n’a qu’une obsession : l’écriture !
Les figuiers de barbarie de Rachid Boudjedra : dire la condition humaine dans cette histoire tellement tourmentée de notre pays. Seul Boudjedra peut le faire avec autant de force, de vérité et de poésie.
Femmes sans visage de Rabah Belamri enfin édité chez nous grâce aux éditions Apic.
Le pied de Hanane de Aïcha Kassoul, aux éditions Casbah : quelle force ! Quel courage ! Quelle écriture ! Bonnes vacances et merci à tous. Franchement, nous n’avons jamais été seuls dans cette magnifique aventure.
Laïd jebraoui , moudjahid
L’Espace Noûn quitte la scène culturelle nationale. Involontairement. Quitte mais ne disparaîtra pas. Laissons aux salariés du champ culturel le soin de discuter, de disputer, d’épiloguer sur cet « événement ». Un fait est là : un espace se clôt. Espace de confraternité, de convivialité, de découverte, d’initiative, de simplicité, de sympathie…Il se souvient d’avoir eu le privilège d’assister au modeste démarrage de cette noble aventure. La dame de « l’espace », Nacéra pour les intimes, s’est totalement investie dans ce projet original, à l’époque, dans l’Alger littéraire. Si frêle soit-elle, elle a pesé dans les domaines artistiques, iconographiques et a été d’un apport non négligeable dans l’univers du livre, du lancement de nombre d’auteurs et du rappel au respect dû à certains aînés. Je l’ai rencontrée à l’occasion de cet « au revoir ». Son regard reflète une tristesse courageuse. Souhaitons avec elle que, comme l’a dit un célèbre humoriste, la fermeture de notre Espace Noun ne contribuera pas à l’inculture qui semble, hélas, en plein progrès.
Selma Hellal, éditrice (Barzakh)
L’Espace Noûn, un jeudi après-midi, rencontre avec un auteur. « J’ai le trac », murmure-t-elle. Elle se tient le ventre, inspire fort, passe une main nerveuse dans ses cheveux – j’aperçois ses ongles, rongés comme ceux d’une écolière – et se lance enfin. Nacéra l’habitée souhaite la bienvenue, remercie les présents, parle du livre, s’emballe, bégaye presque. Pour trouver le mot juste, elle s’aide de ses bras, qu’elle ouvre, larges, généreux, de ses mains aussi, convulsives, qui se crispent, palpitent, avant de se glisser dans les poches arrière du jean’s. Elle cède la parole à l’écrivain et va s’asseoir à même le sol, en tailleur. Elle écoute en clignant des yeux, fronce les sourcils d’attention – et d’épuisement sûrement. La rencontre finie, là voilà qui passe de l’un à l’autre, secondée par le loyal et taciturne Djaber – et avant lui, l’ardente Sihem aux yeux brûlants – proposant gâteaux et thé-ou-café. « Attention, souffle-t-elle, gardez un œil sur les livres. » La dernière fois, on lui en a volé cinq d’un coup. Trop distraite, Nacéra, trop occupée à distribuer sa fébrile amitié, à conseiller les lectures qui l’ont captivée. La belle aubaine pour les chapardeurs ; et parmi eux figurent des habitués, c’est sûr. Elle m’appelle un matin, grave, sa voix se tord, pour me confier – comme dans un gémissement –, qu’elle a lu Miroir d’un fou et qu’elle ne s’en remet pas, que ce texte lui cogne dans la tête : « Vrai, je n’en ai pas dormi de la nuit. » Un soir, lors d’un dîner, quelqu’un l’interpelle, siffle des mots qui font mal. Nacéra ne se démonte pas, elle répond lentement, mais sa voix est blanche et ses mains tremblent. Sombre pythie, elle parle et ne quitte pas l’homme des yeux, elle le fixe et le fixe encore, et n’est plus qu’un long, fiévreux chuchotement. Un jour, elle m’annonce, ses yeux souriant, que des gamins du quartier ont osé pousser la porte de la librairie. Demain, elle leur mettra des livres partout, ils pourront se tenir là, dans un coin, sans déranger personne, et revenir, jour après jour. Demain ! Nacéra échafaude, imagine, rêve. Nacéra l’habitée continue de rêver.
Julie Kretzschmar et Guillaume Quiquerez, compagnie Les Bancs publics, Marseille.
Dans le courant du mois de février 2007, nous déambulions à Alger. Premiers pas naïfs en Algérie, dans une quête confuse, guidés par un mobile artistique incertain. Tandis que nous cherchions ¬– à peine – un lieu dénommé Espace Noûn, une devanture de la rue Debussy nous apparut étrangement familière. Nous entrâmes dans l’antre. A Noûn 1, sur place ou presque, en quelques heures, nous parcourions alors une longue distance : partis des « sacs Tati » (puisque tel était l’objet de notre présence), nous nous approchions des livres, passions ensuite de ces derniers aux sardines, des sardines à la peinture, de la peinture à l’Histoire, de l’Histoire à la construction sociale des points de vue, pour aboutir finalement à cette interrogation : est-ce qu’on peut se parler ? A la question posée au centre d’un spectacle créé à Marseille un an plus tard, notre réponse était : oui, on le peut, il le faut, nous le voulons. Depuis lors, à chaque nouveau passage à Alger, nous avons (pour ainsi dire) vécu à Noûn 1, puis à Noûn 2 – territoires de croisements rares, de partages sensibles, de polyphonies créatrices. Noûn 2 ferme, mais ce qu’il a ouvert en nous continuera longtemps de se dilater. Pour cette générosité, cet engagement et cette belle amitié, Nacéra, Arezki, merci.
Yasmina Belkacem, chargée de com’ aux éditions Chihab
Je soussignée Yasmina Belkacem atteste que Nacéra Saïdi et Arezki Tahar ont animé l’Espace Noûn sis 9, rue Chaâbani (ex Rabah Noel) à Alger jusqu’au 31 juillet 2010. Cet espace a été celui de la rencontre, du débat, de l’amitié. Noûn est devenu l’Espace. Et c’est au moment où cette librairie devient une institution, au moment où ces deux agitateurs culturels deviennent incontournables qu’ils sont obligés de fermer. Quoi qu’il en soit, je reste plus attachée à Kiki et Nacéra qu’à l’Espace Noûn. Car quoi qu’ils fassent, quels que soient les choix qu’ils feront demain, je suis convaincue qu’ils continueront à apporter une qualité indéniable à ce qu’ils entreprendront et à y insuffler la passion qui les anime.

In : El Watan 23 juillet 2010
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Ci-Gît l’«Espace Noûn» : territoire de croisements rares

Début juillet 2010. Les habitués et amis de la Librairie- Galerie «Espace Noûn» reçoivent sur leur téléphone mobile ce laconique SMS : «Fermeture de l’Espace Noûn le 31 juillet. Liquidation des stocks. Réduction jusqu’à 50 %. Signé : Kiki».
Par M’hand Kasmi

Depuis la réception de ce SMSSOS, nous savions que le sort de notre magique cercle littéraire était jeté et son vin d’oraison déjà tiré. Nous sommes aujourd’hui en train de le boire jusqu’à la lie ! Entre ce SMS et l’expiration du bail non renouvelé, qui est à l’origine de la mise en terre précoce de ce nouveau-né des espaces culturels algérois, de nombreux amis dans les médias notamment et sur Internet ont bien tenté d’arrêter l’accomplissement jusqu’au bout de ce véritable infanticide culturel. Rien n’y fit. Peine perdue et nous sommes déjà au lendemain de la date fatidique de la chute du couperet. Pour paraphraser l’écrivain Malek Haddad : un seul constat : «Le quai aux fleurs ne répond plus !» Silence on tue ! Dans une affligeante indifférence des uns et des autres. Mais le plus pesant et le plus inexplicable des lâchages, reste le silence complice des autorités de régulation culturelle. Toutes. Les politiques, les techniques, les grandes et les moins grandes ou les toutes nouvelles comme celles chargées du rayonnement culturel local. A l’heure de la curée, elles doivent être en train de se dorer sur le sable fin d’ailleurs ou de consolider les opérations «main basse» sur les somptueux palais du fahs algérois où elles ne peuvent pas dégager le moindre mètre carré pour notre «Noûn». Pour ceux d’entre vous, qui comme nous, avons connu l’ambiance lambrissée et réellement rayonnante et fraternelle du 9 rue Chaâbani et vécu au moins une fois l’une des innombrables manifestations littéraires et/ou artistiques qui y étaient généralement organisées le jeudi, la gueule de bois des lendemains d’enterrement sera dure à maquiller et l’indifférence encore plus amère à digérer !... En ce dernier week-end «semi-universel » de juillet, nous n’aurons toutes et tous que nos yeux pour pleurer la disparition de l’un des espaces culturels de la capitale les plus ouverts sur l’universalité. Notre désarroi sera plus absurde encore que celui du personnage du Dernier été de la raison, dernier roman à titre posthume du défunt Tahar Djaout. Ce personnage, petit libraire de son état, se retrouva par la «farce des choses» désespérément seul, après que sa femme et ses enfants eurent tous rejoint, les uns après les autres, le nouveau monde des F.V. (entendre frères vigilants). Pris de court par le tumultueux tourbillonnement de l’histoire de ces années 90, notre brave «lisard» ne trouva que ses livres pour lui aménager par effraction une salutaire sortie de secours vers un inaccessible «ailleurs». Désespéré, il tenta de conjurer le terrible mauvais sort qui commençait déjà à frapper à sa porte et à celle du pays de Ben M’hidi, en susurrant à tue-tête à chaque événement imprévu, cette lancinante litanie autodestructrice : «Le cours du temps s’est comme affolé, et il est difficile de jurer du lendemain !». Après la diabolisation rampante de notre petite planète Algérie qui a arrêté le cours, pourtant si impétueux vers la postérité littéraire de l’un de nos plus talentueux écrivains de graphie française, et emporté dans sa déferlante meurtrière Vincent, l’un des plus authentiques libraires de la capitale, c’est au tour de Nacéra et Kiki, libraires par nécessité, d’abdiquer devant une autre déferlante, moins tragique au plan de la survie de l’espèce humaine qu’elle visait mais plus insidieuse et corrosive à la longue : la mono-activité florissante de la spéculation immobilière. Après la mort violente et injuste des vrais écrivains et libraires, voici venu le temps de la mort lente des librairies, les vraies Quels mots pourrions-nous encore réinventer et aligner aujourd’hui, pour faire à la fois le deuil et l’éloge funèbre d’une enseigne qui réussit le challenge fou en ces temps aux lendemains incertains, d’avoir eu deux vies et qui fut, tant dans sa première incarnation à la rue Debussy que dans celle ayant permis sa renaissance à la grouillante rue Chaâbani, une authentique bouffée d’air pur dans le ciel pollué d’une capitale, récemment promue au rang peu enviable de troisième ville la plus sale du monde. Le rêve éveillé n’aura duré en fin de parcours que le temps d’une éphémère et précaire parenthèse. Pour les plongeurs en apnée dans les dures réalités algéroises que nous avons tous fini par devenir, les uns après les autres, les lendemains sur lesquels nous ne jurons plus, n’en finissent pas de renouveler leur cycle de mauvaises plaisanteries de mauvais goût devenant subitement réalités. Grisés que nous étions de pouvoir ponctuer l’espace d’une halte magique à la rue Debussy et plus tard au 9 rue Chaâbani, nos arides et éperdues pérégrinations dans une capitale en voie de désertification culturelle, nous oubliâmes trop vite que le Noûn pouvait être comme dans la mythologie égyptienne, tout à la fois l’océan mythique originel de la création ou encore poisson comme nous sortant à la verticale de notre élément aquatique la bouche ouverte pour happer à la dérobade une revivifiante bouffée d’air pur, mais également un serpent pouvant se révolter, y compris contre la vitale dynamique de locomotion que lui insuffle sa propre queue ! L’appel insistant et l’irrépressible élan soyeux de l’invitation à rêver ensemble que projetait avec une magie particulière l’entrelacs du Noûn calligraphié par le peintre Arezki Larbi sur l’enseigne, était bien évidemment trompeur, comme l’histoire de l’hirondelle et du printemps. Chez nous et depuis le premier jour de l’actuel été de la déraison, c’est le Noûn transfiguré en merlan se vengeant du sort que lui ont réservé les pêcheurs et autres commerçants en eau trouble bien de chez nous , qui est devenu la mascotte de la bourse aux valeurs immobilières du quartier Meissonier et d’ailleurs. Triste sort en vérité que celui d’Alger, capitale de destin national, qui assiste, impuissante, jour après jour et depuis quelques années déjà, à l’enterrement de ses institutions culturelles les plus authentiques : hier, c’était la Librairie des Beaux-Arts qui a failli changer de camp et d’enseigne. Aujourd’hui, c’est l’Espace Noûn qui décroche la sienne, pour la mettre sous le paillasson, si tant est qu’il en subsiste encore un, pour les initiateurs de son subtil et incroyable rayonnement ! Des vingt librairies répertoriées officiellement comme telles à Alger, il n’en reste aujourd’hui qu’une bonne poignée dans une capitale peuplée de 5 millions d’habitants avec sa couronne métropolitaine algéroise. A force de vouloir, vaille que vaille, conjuguer à tous les temps du «zaman el harrachi» si cher à Tahar Ouettar, les symboliques multiples du Dieu-Noûn, patrimoine commun des trois religions monothéistes, en concept culturel à géométrie variable, Nacéra et Kiki viennent d’être contraints de quitter précipitamment leur bulle. Plus tôt que prévu ! Fissa ! On y étalera, au mieux, de la friperie à bon marché. Leur seul tort : ne pas avoir su ou plutôt voulu renouveler une assidue allégeance périodique au diable régentant le monde des sachets noirs, génial et unique mode de transport chez nous de notre sale argent et de nos ordures plurielles. Un diable élevé et converti depuis peu au rang de dieu unique et inique par l’économie souterraine devenue aujourd’hui dominante et de plus en plus monopoliste. C’est la conjonction de tous ces astres maléfiques qui vient de provoquer ce week-end le périlleux atterrissage forcé de notre fragile vaisseau en provenance du nuage dans lequel les ex-gestionnaires d’hier du Noûn nous avaient embarqués pour un temps, nous les invétérés et incorrigibles rêveurs d’une capitale qui ressemble un tant soit peu aux autres. Nous venons de réintégrer ensemble, dépités mais pas découragés, l’échouage collectif qui sert de pays aux trente-six millions d’Algériens. Des Algériens pas encore suffisamment citoyens qui devraient, aujourd’hui plus que jamais, être -quand même - inquiets de leur avenir et surtout de celui de leurs enfants. Des enfants auxquels on apprend à «désapprendre» à lire !... Dans leur descente aux enfers du Noûn, nos amis au cœur vaillant et débordant d’un altruisme rageur, emporteront -maigre consolation — comme de précieuses reliques d’une énième vie antérieure dédiée à l’amour du livre et du pays, ces témoignages poignants des inconditionnels de «leur» Espace magique : «Dans le quartier, on les aimait bien, ils l’ont embelli» Mustapha : gardien de parking). «Pour Nacéra et Kiki, un livre ne se vend pas comme de la pomme de terre. Encore que la pomme de terre, mieux considérée, a eu droit à un Conseil des ministres» (Annie Steiner, moudjahida). «A chaque nouveau passage à Alger, nous avons (pour ainsi dire) vécu à Noûn 1 puis à Noûn 2 — territoires de croisements rares, de partages sensibles, de polyphonies créatrices. Mais ce qu’il a ouvert en nous, continuera longtemps à se dilater…» (Julie Kretzschener et Guillaume Quiquerez Compagnie, les bancs publics, Marseille). Mais l’ex-Espace Noûn n’était pas que cela : votre serviteur a souvenance d’avoir utilisé le lourd fardeau de livres que venait de «se payer» avec sa maigre pension de moudjahida, la vieille Annie Steiner, pour contrer une violente agression involontaire d’un passant qui ne l’a pas vue sortir de la librairie. Sans les livres achetés ce jour-là de chez Nacéra et Kiki, notre belle héroïne et rescapée miraculeuse de la guerre de Libération nationale aurait eu une bien triste mais superbe mort, semblable à celle de l’immense écrivain El Djahidh : ensevelie sous ses livres ! C’est aussi cela que fut l’Espace Noûn : un haut-lieu symbolique de résistance à la bêtise ambiante, à cette métastase qui continue de prendre insidieusement mais sûrement ses quartiers autour des nôtres, des vôtres, chaque jour un peu plus menaçante !... Grâce à l’escalier en colimaçon qui convertissait miraculeusement le brouhaha de ce quartier marchand en invitation à voyager dans le temps et l’espace, on pouvait entrer au Noûn comme dans un aéroport. Sans passeport et surtout sans visa ! Vous pouviez venir y flairer les grisantes odeurs qui s’y mêlaient jusqu’à saisir le roman, l’essai, la peinture, le CD-ROM qui vous chatouillait les papilles gustatives de façon trop suave pour que vous ne puissiez pas résister à la tentation de l’avoir avec vous, définitivement, pour plus tard, le dévorer. A l’Espace Noûn, vous pouviez trouver des livres, des beaux livres, de vrais livres et des livres vrais, de ceux qui avaient la capacité de projeter leurs couleurs chatoyantes joyeusement «mariées» sur votre table et votre journée, avec leur vraie couverture, leur vraie reliure, un vrai poids d’images et de mots, une odeur d’encre, et de papier, et de sueur !… Au Noûn, vous pouviez exaucer votre besoin d’ajuster momentanément votre esprit avec celui d’un illustre ou anonyme auteur, au point de devenir avec lui co-auteur et de reconnaître dans une ligne, les lignes que vous auriez pu écrire ou que vous auriez pu dire, sans trac. Avec Nacéra et Kiki, au sein de l’Espace Noûn et hors de ses murs, aujourd’hui de nouveaux captifs des fourches caudines et appétits bassement mercantiles de la «propriétaire des murs», nous eûmes à dénoncer haut et fort ceux qui affirment comme cette dernière et ses semblables que les mots ont fait leur temps, que lire n’intéresse plus personne et surtout pas les jeunes. A l’Espace du Noûn, nous eûmes également la chance et le droit de lire les mots des poètes, les vrais, ceux partis trop tôt comme Mahmoud Darwich, ceux maudits et surtout ceux bannis de leurs espaces naturels, comme Kiki et Nacéra aujourd’hui ! A leur mémoire à toutes et à tous, nous pûmes même déclamer, chanter aussi tout ce qui ne semblait pas utile, mais essentiel. N’est-ce pas Nourredine Saoudi, Rédha Doumaz,… Dans leur ex-espace de prédilection de la rue Chaâbani, entre la rose du jour toujours fraîche, la théière de la veille, jamais réchauffée, et un gâteau offert par le pâtissier de l’angle de la rue, Nacéra et Kiki prenaient toujours soin de laisser un exemplaire sans cellophane pour montrer qu’avant d’être courtisé, un lecteur doit d’abord être respecté et que les plus belles images ne valent pas toujours le bon mot. Qu’un texte avant d’être court, se doit surtout d’être juste. Last but not least : la dernière des belles leçons apprise à l’université du goût que fut le défunt Espace Noûn : le silence de ceux qui n’ont en banque ni fonds spéciaux, ni diplômes, ni conteneurs en rade et bien en vue dans les ports algériens, ne signifie pas qu’ils n’ont pas soif ou droit de lire ! Bien au contraire ! La dizaine d’enfants du quartier qui ont bénéficié d’une librairie «dans la librairie» peuvent en témoigner. Ils doivent être aujourd’hui bien orphelins de la silhouette familière et maternelle de «Mama» Nacéra, eux qui ne peuvent prendre de vacances ailleurs que dans leur rue, la rue du Colonel Chaâbani ! Voilà ! l’oraison est dite. La mise en terre peut commencer ou s’achever ! Arezki Tahar, «Kiki» pour les amis, a sauvé au prix de sa vie en 2002 le bel édifice du Théâtre régional de Béjaïa contre les vagues déferlantes des Arouch venues le réduire en cendres, manipulées par les uns et — nous le savons aujourd’hui — par aussi les «autres». Après avoir été expulsé l’année dernière et de nuit de l’appartement qu’il occupait en sa qualité de directeur du TRB, notre ami doit abandonner à partir d’aujourd’hui la rue Chaâbani, son refuge inespéré et providentiel d’un jour au sens propre et figuré. Son cœur, las et fatigué, qui a déjà subi trois séismes majeurs, risque de lâcher et de l’abandonner. C’est aussi cela le coût de l’aventure humaine du Noûn qui n’a pourtant pas et malgré ces dégâts collatéraux tragi-burlesques, de prix. «Une librairie qui ferme, c’est tous les horizons qui sont confisqués», écrivait Yasmina Khadra pour dénoncer la tentative de fermeture de la Librairie des Beaux-Arts. Notre grand écrivain ne croyait pas si bien dire et surtout écrire. Est-ce une raison de cultiver le désespoir ? Non ! Assurément ! Face à la confiscation des horizons, nous devons apprendre à interroger les étoiles pour reprendre de nouveau de l’altitude. Dans la mythologie égyptienne, Noûn était plus qu’un océan. Même après l’accomplissement de la création, son œuvre originelle, Noûn continuera d’exister pour revenir un jour. Dans les bas-reliefs pharaoniques de Karnak et de Louqsor, Noûn est en effet représenté en homme barbu tenant dans l’une de ses mains un tronc de palmier, symbole de longue vie. Dans un poignant texte publié par la Tribune intitulé «La librairie Espace Noûn meurt dans le silence des étoiles», notre ami Mohamed Bouhamidi a voulu conjurer le mauvais sort qui frappe durement aujourd’hui cette Librairie-Galerie unique en son genre, en invoquant la puissance mystique de ce celui qui a «vu les étoiles copuler» et a inspiré en partie le nom de cette librairie : Mahieddine Ibn Arabi, maître spirituel de l’émir Abdelkader. Nous voulions pour notre part dire notre active solidarité à Nacéra et Kiki en leur accrochant autour du cou cette amulette qui contient ce verset du Saint Coran, qui se voudrait être de notre part de toutes et à tous une ultime distinction de mérite national : Sobhan elladhi amrouhou bayn el kafi oua ennouni (Gloire à Celui dont l’Ordre est entre le Kaf et le Noûn). Avez-vous remarqué le signe du destin ? Le Kaf préfaçant le nom de Kiki et le Noûn ouvrant et protégeant de son ample déploiement calligraphique celui de Nacéra ! Courage, les amis ! Après l’expérience amère de Noûn 1 et celle de Noûn 2, nous décoderons ensemble les secrets de la voûte céleste qui protège le ciel azur de notre Algérie et à l’instar d’Ibn Arabi dans le ciel de Béjaïa au 12e siècle, nous bâtirons et féconderons ensemble une Arche Noûn 3. Nous pouvons compter dans cette vaste entreprise au long cours sur notre nouveau Noé des temps modernes : ce sera tout simplement un super griot du continent Afrique, le président burkinabé Thomas Sankara, qui a jeté un jour à la face de ses concitoyens sceptiques, désabusés et médusés, le magnifique programme de résurrection suivant «Osons inventer l’avenir !»
M. K.
In: Le Soir d' Algerie, 01 août 2010.
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213- La Chute au festival d'Avignon

C. et moi sommes allés au festival d'Avignon hier soir, dernier jour, assister à La chute (version Raymond Vinciguerra,metteur en scène, Philippe Séjourné, Sylvie Andreotti, interprètes. Nous en sommes sortis plutôt satisfaits malgré les objets incrustés (vidéo, musique, projecteurs...). Nous étions 55 pour une salle de 90 places.

Chacun de nous implore en son for intérieur, à sa manière, un jour ou l'autre, la jeune fille qui s'est jetée par dessus-pont, dans la Seine: "O jeune fille, jette-toi encore dans l'eau pour que j'aie une seconde fois la chance de nous sauver tous les deux!" Car la première fois nous n'avons rien fait pour la sauver. Nous sommes tous, quelque part, coupables et il est trop tard pour se disculper une fois le forfait, la faute, le non-geste qui sauve, ou la lâcheté accomplis.
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La chute Albert Camus

17h10

durée : 1h25

Théâtre du Rempart (Ex Pulsion Théâtre )

« Puisqu'on ne pouvait co
ndamner les autres sans aussitôt se juger, il fallait s'accabler soi-même pour avoir le droit de juger les autres. » Albert Camus

FRANCE 3 : Performance d’acteur. Mise en scène soignée et épurée. Réflexion juste et actuelle.


FRANCE INTER : Magistralement interprété. Expérience remarquable. Texte intemporel, de toutes les actualités.

PROVENCE : Vinciguerra habille l’intelligence d’audace. Drôle, féroce et tellement vrai. L’acteur est excellent. Il est Clamence.

MARSEILLAISE : Une totale réussite
qu’il serait indécent de louper ! / Une transposition théâtrale dont les qualités d’expression forcent l’admiration.

www.tetra-art.com

du 8 au 31 juillet

tarif : 16€

tarif carte off : 11€

tarif enfant : 8€

Compagnie Tétra-Art

Interprète(s) : Philippe Séjourné, Sylvie Andreotti

Mise en scène et scènographie : Raymond Vinciguerra


Adaptation : Catherine Camus, François Chaumette

Création lumière : J.-L. Martinez

Création vidéo : F. Mouren-Provensal

Collaboration artistique : Ramora

Coproductions : Tetra-Art / théâtre Gyptis / Ville de Beaucaire / CAES du CNRS de Marseille

Presse et diffusion : Audrey Grisoni

Chargé de production : Denis Attal
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REMPART (THÉÂTRE DU) (ex Pulsion théâtre)

56 rue du rempart Saint Lazare

84000 Avignon

Théâtre du Rempart (Ex Pulsion Théâtre ) - 90 places


Accès Handicapé / Climatisation / Fauteuils / Gradins

Téléphone réservation

+33 (0)4 90 85 37 48

Téléphone administration

+33 (0)4 90 85 37 48

contacter ce lieu

http://www.theatre-du-rempart.fr

Directeur Artistique

Sylvain Cano-Clémente

Le Théâtre du Rempart (ex Pulsion Théâtre),
lieu permanent d’Avignon ouvert 11 mois sur 12 n’a jamais cessé depuis sa création il y à 11 ans de faire partie du paysage culturel d'Avignon.s'étant affirmé dès le début comme étant un théâtre privilégiant dans sa ligne de programmation les auteurs contemporains,auteurs vivants ainsi que les créations originales de compagnies, qu’il s’agisse de théâtre, de danse, de spectacles musicaux. Le Théâtre du Rempart fait partie des théâtre qui préfèrent privilégier dans ses programmation tout au long de l'année et durant le Festival l’originalité et la créativité des compagnies, c'est aussi un lieu de créations, de Résidences, et de formations avec ses ateliers de pratique théâtrale. Au 56 de la rue du rempart Saint Lazare,on découvre une salle de 90 places confortables, climatisée,avec une terrasse à l'ombre. c'est le rendez vous des amateurs,programmateurs et professionnels en quête de découvrir de nouveaux spectacles.

(Point de Vente Cartes OFF)
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Wikipedia


La Chute est un roman d'Albert Camus publié à Paris chez Gallimard en 1956, découpé en six parties non numérotées. Camus y écrit la confession d'un homme à un autre, dans un bar d'Amsterdam. Le roman devait primitivement être intégré au recueil L'Exil et le Royaume qui sera publié en 1957 et qui constitue la dernière œuvre « littéraire » publiée par Camus.

La particularité de ce roman tient au fait que l'homme qui se confesse est le seul à parler, durant tout l'ouvrage. Le choix de cette focalisation, qu'on retrouve dans L'Étranger, implique que le lecteur ne dispose d'aucune information extérieure dispensée par un narrateur omniscient. L'ambiance très sombre et déshumanisée qui nimbe cette confession contribue également à la singularité de ce récit.

Résumé

Jean-Baptiste Clamence, juge-pénitent tel qu'il se définit lui-même, est un ancien avocat parisien, désormais domicilié à Amsterdam depuis une série d'évènements qui ont bouleversé sa vie. Homme de la petite bourgeoisie française, avocat de profession, au talent d'orateur et de charmeur prononcé, il nage pendant ses jeunes années dans un nuage de gloire, de femmes et de beaux discours. Le début du récit relate la perception que Clamence avait de lui-même en ces années glorieuses : le personnage apparaît comme aveuglé par un amour immodéré de soi.

Mais tout change rapidement pour Jean-Baptiste Clamence lorsqu'il n'apporte aucun secours à une jeune femme sur le point de se noyer, sous un pont de Paris. Dès lors, Clamence débute sa « chute » : il prend lentement conscience de l'inanité de son comportement passé, qui lui devient très vite de plus en plus insupportable. Tentant de se réfugier dans le vice, il est néanmoins rattrapé inexorablement par son passé.

Au fur et à mesure de sa prise de conscience, Clamence finit par se remémorer les évènements noirs de son passé : condamnation à mort d'un camarade prisonnier dans un camp de concentration en Afrique du Nord, abus immodéré et égoïste de l'amour des femmes envers lui... Confronté à ses souvenirs, de plus en plus insoutenables, Clamence quitte Paris vers les bas-quartiers d'Amsterdam, où l'accusation sans vergogne qu'il fait de lui-même devant ses clients se transforme en miroir pour l'homme, et où l'homme lui-même prend conscience de ses propres fautes et acquiert ce que Clamence qualifie de « liberté ».


Mise en accusation universelle de l'humanité, portrait dégradant de l'homme moderne à travers un récit à la forme particulière, le personnage de Camus, Jean-Baptiste Clamence, devient le Jean le Baptiste du récit biblique transposé en homme moderne, prêchant seul dans le désert sa doctrine particulière (clamans en latin signifiant criant, Jean-Baptiste criant dans le désert),
et initiant de nouveaux fidèles à celle-ci.

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http://www.alalettre.com/camus-oeuvres-la-chute.php

Ce récit d’Albert Camus a été publié à Paris chez Gallimard en 1956. Il est découpé en 6 parties non numérotées.

C’est la dernière œuvre achevée par Camus. Un an plus tard, il recevra le prix nobel de littérature. Albert Camus est mort en 1960.

Résumé de la Chute

Première journée

Jean-Baptiste Clamence aborde un compatriote dans un bar douteux d'Amsterdam, le Mexico-City. Il lui propose de lui servir d’interprète auprès du barman. Il se présente et indique qu’il est "juge-pénitent". Nous apprendrons plus tard que cette étrange profession consiste à s’accuser soi-même afin de pouvoir ensuite être juge. Clamence raccompagne son interlocuteur. En traversant le quartier juif, il évoque les horreurs de la guerre et les crimes des nazis. Il lui parle aussi de la Hollande, terre de songe et d‘histoire, " pays de marchands et de rêveurs ". Clamence quitte son interlocuteur devant un pont : il s’est juré de ne plus jamais franchir un pont la nuit. Il donne rendez-vous à son interlocuteur pour le lendemain.

Deuxième journée

Clamence évoque son passé. Il raconte à son interlocuteur comment, jadis avocat à Paris, il mena une brillante carrière. Il était respecté de tous et épris des nobles causes. Il était heureux. Il avait également une haute opinion de lui-même . Il se sentait au dessus des autres et du jugement du commun des mortels. En parfait accord avec lui-même et avec les autres , " sa vie était une fête, et il était heureux "

Un soir d’automne, Clamence entendit, sur un pont de Paris, un rire mystérieux. Il rentre chez lui, contrarié. Lorsqu’il se regarde dans le miroir, son sourire lui semble double.

Troisième journée

Clamence continue sa confession. Ce rire sur le pont lui a ouvert les yeux sur sa vanité. Cette prise de conscience de son orgueil a été confirmé une autre fois, lorsqu’il s’en est pris violemment à un automobiliste. Il s’est rendu compte par la même occasion que ses relations avec les femmes étaient elles aussi régies par cette vanité. Puis cette remise en cause lui a permis de se rappeler que deux ou trois ans auparavant, il avait vu, un soir, une jeune femme se jeter dans la Seine. Comme paralysé par le froid, il n’a rien fait pour la sauver et a poursuivi son chemin.

Quatrième journée

La confession se poursuit dans une île du Zuyderzee. Ayant découvert sa propre duplicité, Clamence a essayé de rechercher l’amour de ses contemporains, mais il ne s’est heurté qu’à leur jugement péremptoire. Se rendant compte que tout n’était que comédie, il n‘eut alors comme objectif que de dévoiler la duplicité humaine et se mit à tout tourner en dérision . Il s’est alors ingénié à se rendre odieux pour casser l’image d’honnête homme qu’on avait de lui. Après cette période stérile, il éprouva encore plus durement la souffrance qui le hantait.

Le même jour ( quelque temps après )


Sur le bateau qui le ramène à Amsterdam, Clamence évoque avec nostalgie la beauté et la pureté de la Grèce, puis revient à son récit. Il a essayé de trouver l’amour, mais en vain. Ecœuré , il se livra alors à la débauche, puis sombra dans le " mal confort " , avant d'admettre sa culpabilité et de se convaincre que tous les hommes sont coupables. Le Christ lui-même a donné l’exemple en mourrant sur la croix pour une faute , le massacre des enfants de Judée, dont il se sentait obscurément coupable.

Cinquième journée

Clamence, malade, reçoit son compagnon dans sa chambre. Il a la fièvre et est au lit. Il raconte à son interlocuteur comment, pendant la guerre, alors qu’il était prisonnier, il avait volé de l'eau à un compagnon agonisant. A présent, dans le placard de sa chambre, il a caché un tableau , les juges intègres de Van Eyck , que recherchent toutes les polices du monde. Il a l’espoir que ce recel lui vaudra un jour d'être arrêté. Il explique enfin en quoi consiste son métier de juge-pénitent : il se confesse aux autres des fautes que chacun peut avoir commises , puis il implique peu à peu son interlocuteur et pour finir, retourne le miroir afin que chacun puisse s’accuser à son tour. Il est donc d’abord pénitent, puis devient juge et se libère. Malgré sa fièvre, il souhaite se lever pour aller voir tomber la neige ; ce qu’il fait , puis se recouche. Chaque fois qu'il aborde un "client", il espère que ce sera un policier venu l’arrêter pour le recel du tableau. cette fois encore, il avait l'espoir. Mais l'inconnu abordé dans ce bar d'Amsterdam se trouve être, un avocat parisien, comme lui...

Source bibliographique

La Chute d'Albert Camus

Kléber Haedens Une Histoire de la Littérature française, Grasset 1970

Dictionnaire des Grandes Oeuvres de la Littérature française, Jean-Pierre de Beaumarchais, Daniel Couty (Editions larousse)

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http://www.lestroiscoups.com/article-la-chute-d-albert-camus-critique-d-anais-heluin-off-du-festival-d-avignon-2010-theatre-du-rempart-a-avignon-53904269.html

Les Trois Coups est le seul journal quotidien en ligne du spectacle vivant en France, notamment du théâtre. Réalisé par des journalistes et des correspondants de presse

« La Chute », d’Albert Camus (critique d’Anaïs Heluin), Off du Festival d’Avignon 2010, Théâtre du Rempart à Avignon

Une « Chute » amortie

« La Chute », dernière œuvre achevée de Camus, déroute par son incertitude générique entre roman, théâtre et récit. En mettant en scène ce texte, Raymond Vinciguerra prend alors le risque de porter atteinte au trouble, au doute constant qui envahit le lecteur. Et c’est ce qui se produit : si on ressort bien dubitatif, c’est quant à la qualité de la représentation et non quant à la nature du texte ou l’étrangeté du personnage.

Une pénombre, inquiétante, trouée de deux écrans aveuglants qui invitent le client à la débauche. On y voit une strip-teaseuse faire parade, dévoiler ses atouts sur le son d’une musique de cabaret. Comme noyé par cette atmosphère de luxure, un homme, courbé sur une chaise de bar, s’apprête à prendre la parole, pour entamer un monologue d’ivrogne peut-être. Ou pire que cela. Une confession qui ne peut s’achever que par la folie, ou par la mort. Précipitées, les paroles dévoilent les bassesses d’un individu, mises au jour par hasard, lors d’une nuit ténébreuse, refermée par la chute d’un corps dans le canal d’Amsterdam. Chute que le buveur pénitent, dénommé Jean-Baptiste Clamence, a passée sous silence, par indifférence, ou par lâcheté. Et qui, depuis, l’obsède.

Dans l’œuvre de Camus, l’homme qui semble faire acte de contrition n’est qu’un verbe désincarné, une posture éthérée que l’on ne peut prendre que telle qu’elle est, c’est-à-dire déconcertante, et dérangeante. Car au cours de sa logorrhée, l’orateur des bas-fonds d’Amsterdam ne cesse de décliner son identité, d’une manière tellement décousue et irréaliste que son image fuit, ainsi que ses traits moraux. Or, sur scène, le corps de l’acteur est là pour nous imposer une incarnation de l’insaisissable Jean-Baptiste Clamence. Philippe Séjourné se voit alors attribuer la tâche délicate de prêter sa voix et sa physionomie à celui qui se décrit comme un Janus. Mais, vêtu tout au long du spectacle d’une tenue sobre et élégante, il s’apparente à un simple mondain, dont la palabre dénote la décadence. Ce qui limite déjà l’éventail des interprétations possibles.

Le jeu de l’acteur, dont on ne peut toutefois nier les qualités, a aussi tendance à limiter les potentialités du texte. Les nuances d’interprétation, qui séparent la pièce en six parties distinctes, ne sont pas assez marquées pour donner naissance à des personnages différents, ni pour suggérer la probable schizophrénie du protagoniste. Tout au plus peut-il être considéré comme un mythomane doué d’un sens aigu de la narration. Aussi le « pape », le « Dom Juan du faubourg Saint-Germain », ou encore le conseiller des truands qu’il prétend être ou avoir été, sont-ils trop clairement relégués dans l’imaginaire, au profit du seul « juge-pénitent », que l’on croit avoir en face de nous du début à la fin.

Cela n’empêche pas le phrasé de l’acteur de faire résonner le texte majestueux de Camus, d’en révéler le puissant effet de présence. D’autant plus que le choix de l’adresse au public, pertinente dans le cadre de cette confession aux allures de réquisitoire, rend presque palpable la terrible actualité de l’histoire qui nous est contée. Celle d’un individualiste qui ne peut supporter d’être jugé, et de l’impossibilité de se soustraire à une sentence méritée. L’apparition, entre chaque scène, du fantôme de la noyée, femme pénétrée d’une tristesse infinie, rappelle enfin avec justesse l’inéluctable condamnation de Clamence.

Nous ressortons séduits par la prose de Camus, bien plus que par le spectacle lui-même. Alors que nous aurions souhaité être bousculés, entraînés dans la chute, nous sommes à peine ébranlés. Avec la sensation d’avoir été épargnés…

Anaïs Heluin Les Trois Coups www.lestroiscoups.com

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http://www.lepoint.fr/sortir/la-chute-proces-de-l-humaine-condition-19-07-2010-1216328_18.php
Publié le 19/07/2010 à 16:46 Le Point.fr


La Chute, procès de l'humaine condition

Théâtre. Festival off d'Avignon. La Chute d'Albert Camus mis en scène par Raymond Vinciguerra.

Par Nedjma Van Egmond

Musique électrique, pin-up qui s'effeuille en vidéo, nuit. Un bar d'Amsterdam, ville de canaux, de néons chauds et lumière froide. Il porte beau, ce grand gaillard chauve, dans son costume de lin blanc. Son enseigne, une face double et une mise en garde : "Ne vous y fiez pas." Hâbleur qui file entre les doigts n'est jamais là où on l'attend et marie vrai et faux - puisque le mensonge met sur la voie de la réalité - dans la confession qu'il tricote pour son interlocuteur invisible. Avocat-conseil renommé, loque réfugiée dans la débauche ou juge-pénitent : qui est-il vraiment, cet homme coupable de n'avoir pu sauver une jeune fille suicidée ? Un acteur sans doute, puisque le jeu permet tout. Splendeurs et misères de l'être humain, ego précipité : sa condamnation et le procès qu'il se fait à lui-même, c'est aussi le procès de son temps, et peut-être de l'humaine condition. "Je n'ai jamais pu croire que les affaires humaines furent choses sérieuses... Les hommes ne sont convaincus de votre sincérité et de la gravité de vos peines que par votre mort."

La Chute ? On la dit tour à tour nouvelle et roman, récit et pièce de théâtre.

Dommage que le texte soit ici, parfois, parasité par la présence d'une ombre fantomatique, femme qui marche et qui danse, et des peintures projetées à la présence dispensable. Il nous parvient pourtant dans toute sa force et sa vérité, sa drôlerie et sa noirceur. Rythmé par la musique lancinante de Philip Glass, attachant et irritant, dans l'émotion ou le cynisme, la séduction ou la douleur, Jean-Baptiste Clamence trouve en Philippe Séjourné un interprète de haut vol. Qui brouille les pistes jusqu'au vertige et voit dans un final puissant et beau, sur les vastes écrans blancs, son visage se fondre en mille autres, les siens toujours : visages d'homme mur et d'ado fougueux, de gosse et de bébé.

Théâtre du Rempart, à 17 h 10, jusqu'au 31 juillet. Renseignements : 04 90 85 37 48.
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La chute
D’Albert Camus / Cie Tétra-Art-Marseille

(in page 20 de Scènes et Cinés Ouest Provence saison 2010-2011)

Théâtre La Colonne à Miramas
Jeudi 25 novembre 20h30

La chute, publiée en 1956 chez Gallimard, est la dernière oeuvre achevée d’Albert Camus qui, un an plus tard, recevra le Prix Nobel de littérature et deviendra un modèle pour toute une génération. Que ce soit dans ses pièces de théâtre, ses essais, ses nouvelles ou ses romans, Camus n’a cessé de développer un humanisme fondé sur la prise de conscience de l’absurdité de la condition humaine, mais aussi sur la révolte comme réponse à l’absurde, révolte qui conduit à l’action. L’homme qui parle dans La Chute se livre à une confession calculée. Réfugié dans un bar d’Amsterdam, avocat-conseil d’ivrognes et de souteneurs, il a choisi ce lieu d’exil, cet envers du monde bourgeois et de la bonne conscience, à la suite d’une « découverte essentielle », sa lâcheté face à une noyade commise sous ses yeux. Il attend des auditeurs complaisants. Il a le coeur moderne et ne peut supporter d’être jugé. Il se dépêche donc de faire son propre procès, mais c’est pour mieux juger les autres... « Magistralement interprétée, une expérience remarquable que l’on doit à Raymond Vinciguerra. Un texte intemporel, de toutes les actualités. »

Philippe Bertrand - France Inter

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Mouloud MAMMERI à propos d'Albert CAMUS