Rechercher dans ce blog

lundi, mars 10, 2008

72- ISRAEL, le Salon du livre de Paris et B. SANSAL

________Youtube_________MAHMOUD DARWICH________



La Tribune jeudi 17 avril 2008
Autour du livre de r Boualem Sansal
Les faussaires et le débat
Jeudi 17 Avril 2008
Par Mohamed Bouhamidi
En introduisant son dossier, paru dans la dernière livraison du quotidien Algérie News, sur le Village de l’Allemand, le dernier livre de Boualem Sansal, Arezki Louni, signant l’édito du dossier «Sansal» et indiquant ainsi clairement que le journal prenait position, annonce l’existence d’une polémique qu’il qualifie aussitôt de cabale dont il monte immédiatement le procès en procureur informé et soucieux des pièces à conviction.
Fort bien, examinons le corps du délit. Avant ce dossier, nous ne pouvions noter dans la presse nationale que quatre réactions critiques, quatre seulement et certainement pas coordonnées. R. Lourdjane signe la première dans le quotidien El Watan en réaction aux interviews de Boualem Sansal affirmant la véracité et la réalité d’un village de l’Allemand et de l’absence totale de la question de la Shoah dans la télévision algérienne. R. Lourdjane indique que Sansal ment sur les deux points. Le seul village de l’Allemand que connaît R. Lourdjane est en fait un «village des Allemands» créé avec la guerre, dans la région de Tiaret pour accueillir les Alsaciens-Lorrains après la guerre franco-allemande de 1871. Ensuite la télévision algérienne a bien diffusé une série sur la Shoah réalisée par notre poète N. Abba. Il ne dit pas plus que, dans son interview, Sansal a menti sur deux affirmations précises et vérifiables. J’ai signé la deuxième réaction, car Sansal situant le Village de l’Allemand dans la région de Sétif, j’ai indiqué que ce village, plutôt un lieu-dit, existait réellement mais qu’il a été construit, avec et autour d’un moulin, par Henry Dunant, le futur créateur de la Croix-Rouge pour accueillir des colons suisses du canton de Vaux dans une concession accordée à une grande banque suisse. Non seulement Sansal ment sur ce point précis qu’il avance comme point de départ réel de son roman mais il commet en plus un crime contre la mémoire de… et confond allégrement Croix-Rouge et croix gammée.
La troisième réaction vient de Omar Mokhtar Chaalal, parue dans le quotidien Horizons, qui parle de ce lieu-dit en racontant sa véritable histoire et rajoute que, n’étant pas une commune, ce hameau n’a jamais eu de maire ni français, ni algérien ni allemand, outre que jamais n’y a vécu un étranger après l’indépendance.
Et Boualem Sansal est catégorique sur la véracité de ce qu’il prétend mettre à l’origine de son roman. Je le cite : «Je suis ainsi, j’ai besoin de m’appuyer sur une histoire vraie pour écrire. Dans une fiction pure, je me sentirais comme un acrobate qui travaille sans filet, j’aurais trop peur de divaguer. Dans le Village de l’Allemand, je suis parti d’une histoire vraie, celle d’un officier SS qui, après la chute du 3ème Reich, est parti se réfugier en Egypte et, plus tard, est venu finir sa vie en Algérie, après s’être battu pour son indépendance… On m’expliqua que ce village était ‘‘gouverné’’ par un Allemand, ancien officier SS, ancien moudjahid, naturalisé algérien et converti à l’islam. Dans la région, on le regardait comme un héros, un saint homme. J’ai senti chez mes interlocuteurs une réelle admiration à l’évocation de son passé nazi, ce qui n’était pas pour me surprendre : la geste hitlérienne a toujours eu ses sympathisants en Algérie…»
Et cela marche. Dans le dossier, Samira Negrouche, qui n’a pas lu le livre, déclare : «Il s’agit d’un roman inspiré d’une histoire vraie.» Répliquer que, vérification faite, il s’avère que cette histoire est construite et totalement mensongère relève de la cabale. Mais avons-nous le droit de porter un regard critique sur les déclarations de B. Sansal ? C’est bien la première question à laquelle doivent répondre Arezki Louni, Bachir Mefti, Samira Negrouche et Christiane Chaulet Achour dont on ne sait pas très bien si elle a fait une déclaration d’ordre général ou si elle faisait référence à ces trois articles sur la véracité des affirmations de Sansal. Jusque-là, rien de concret ne vient étayer l’acte d’accusation et le corps du délit est introuvable : pas d’anathèmes à l’endroit du livre, aucun appel à l’interdiction ni à l’autodafé, aucune stigmatisation. Bien au contraire puisque l’une de ces réactions souhaitait que le livre soit disponible en Algérie pour que les lecteurs s’en fassent une idée par eux-mêmes, loin de toute velléité de tutelle de l’administration.
Reste la quatrième réaction parue dans la Tribune sous la forme d’une lecture que j’ai faite du roman de Sansal. Comme je n’ai lu aucune autre note sur le livre dans la presse nationale, le dossier d’Algérie News ment aussi sur ce plan-là. La seule note consacrée à ce livre a bien été faite après lecture. A moins de considérer cette lecture comme nulle pour insuffisance de formation critique, l’équipe qui a présenté le dossier ment aussi sur ce point- là.
Mais puisque la cabale n’existait pas, le dossier l’invente en ouvrant, pour le besoin, des fenêtres à des regards critiques. Le corps du délit n’existant pas, le procureur le crée de toutes pièces à l’instant du procès mais en usant de deux subterfuges et d’une vilenie. Le premier subterfuge est d’accorder la parole à des personnalités comme Rachid Boudjedra, Amine Zaoui, Ahmed Selmane en les stigmatisant dans l’éditorial par leur marquage en tant qu’acteurs de la cabale qui n’a pas eu lieu, répétons-le. Le deuxième subterfuge consiste à rajouter du sens à leurs textes en les insérant dans un montage. Pris chacun à part, ces textes disent un point de vue ; mis dans un ensemble, on leur fait dire un autre point de vue.
Louni écrit : «Au moment où les uns saluent le courage de l’écrivain, celui d’exprimer une vision qui reste du domaine de la fiction et de la création littéraire, d’autres versent dans l’injure et la diffamation. Certains n’ont d’ailleurs même pas pris la peine de lire l’ouvrage controversé pour l’apprécier à sa juste valeur. Ils ont, au contraire, agi par esprit revanchard. Les termes utilisés pour qualifier l’œuvre de Sansal cachent mal la haine viscérale de leurs auteurs contre tout ce qui incarne une vision diamétralement opposée à la leur. Ils n’hésitent pas à adopter les raccourcis pour accabler ceux qui sont parvenus à se faire une place sur la scène littéraire mondiale. La réaction de l’un d’eux, qui n’en est pas à son premier impair, même à l’encontre de défunts, est révélatrice de cette réalité.» Il parle évidemment de Tahar Ouettar auquel personne n’a pardonné ni n’est prêt à pardonner l’ignominie de ses déclarations sur Tahar Djaout. Mais alors pourquoi le convoquer dans ce procès ? Mais il fallait bien ce repoussoir pour marquer les regards critiques de ce voisinage imposé par le procureur et tout aussi inventé que le reste. La vilenie rajoute au dossier son air de procès fabriqué pour atteindre un ailleurs qui n’est pas dit explicitement.
Le relativisme idéologique
Tenons-nous en aux principaux indices de cet ailleurs. Le premier d’entre eux est que cette affirmation proclamée de donner la parole à tous pour qu’ait lieu le débat sans la stigmatisation est inconsistante. Tous ceux qui n’ont pas lu ce livre ou même qui l’ont lu sont tenus de respecter la liberté de création. C’est bien la première fois que d’un point de vue philosophique la liberté de création s’accompagne de la mort de la liberté de critique. Parce que c’est une œuvre de pure fiction, alors taisez-vous ! Toute atteinte à l’œuvre devient une atteinte à la liberté. Il ne nous reste plus qu’à nous mettre au garde-à-vous idéologique. Mais cela n’est pas suffisant dans la panoplie des arguments, Maougal en rajoute un autre de toute beauté : cette œuvre n’est pas à mettre entre toutes les mains. C’est tout à fait novateur ! C’est bien la première fois, aussi, qu’on proclame que les œuvres littéraires doivent être protégées du public et que le peuple des lecteurs n’est pas globalement mature pour aborder ce livre hors du commun ! Il ne nous manquait plus que les imams de la lecture, des directeurs de conscience, des exégètes qualifiés pour nous, peuple immature et enfoncé dans des lectures «idéologiques». Maougal nous invite, en sorte, à une lecture «censitaire», celle des mandarins, un remake du premier collège des lecteurs.
Christiane Chaulet Achour ne dit pas autre chose, peut-être à son corps défendant, dans le sens que donne le montage de ce dossier à son intervention. Nos lectures sont «idéologiques». Ne connaissant pas encore les validations épistémologiques d’une lecture scientifique des œuvres d’art et de la littérature, il me semble difficile de faire autre chose que des lectures marquées par l’idéologie et, à un degré supérieur, des lectures armées par des grilles empruntées aux sciences sociales.
Aussi, je préfère m’en tenir à ces lectures idéologiques étayées par ce que je sais des sciences humaines. Mais lecture idéologique quand même, affirmée et assumée. Et c’est bien le deuxième indice de cet ailleurs vers lequel on nous entraîne : par un tour de passe, la «lecture idéologique» ou «non objective», comme le regrette un autre intervenant, soustrait le roman à l’idéologie. Comment en arrive-t-on à nous culpabiliser d’avoir une lecture idéologique d’une œuvre par essence idéologique ? Par ce tour de passe-passe qui fait passer le roman de l’ordre de la représentation à l’ordre du droit. Le roman ne se construit plus sur une vision du monde, sur son interprétation, sur sa représentation, sur l’instance émotionnelle mais sur une catégorie juridique : la liberté et le droit à l’expression. Il n’appartient plus au monde de la vérité mais au monde du formel juridique. Il n’appartient plus au monde et, par conséquent, ne participe plus aux luttes de ce monde. C’est bien ce que l’on veut nous faire croire.
Exit Marx ou Gramsci pour la lecture autour des enjeux sociaux ; exit Freud pour la lecture autour des enjeux psychiques. Nous sommes en pleine mythologie. Ce texte devient un texte parmi d’autres, sans sens ni direction particulière, sans prise de parti dans les luttes des hommes et n’a rien à voir avec la multiplication des visées néo-coloniales qui veulent nous faire passer le 1er Novembre pour une erreur historique, une atteinte au rêve d’une Algérie multiraciale et multiculturelle qui nous aurait sauvés des griffes de l’islamisme et de son terrorisme. Le dossier nous invite au relativisme. Il n’existe plus d’enjeux. Nous allons remiser au placard nos vieilleries idéologiques qui nous ont fait croire au passage, à l’intérieur de la littérature, des conflits, des visions, des espérances des hommes. Nous classerons désormais M. Darwish, G. Amado, G.G. Marquez, L. Aragon dans une malle au fin fond du grenier et nous nous convertirons au relativisme.
Mais ce n’est pas que ce seul enjeu. Le dossier nous glisse en contrebande, comme avérées, deux thèses : l’islamisme est un fascisme et il trouvait sa source dans l’idéologie de la guerre de libération. Il nous faudrait un peu plus que les affirmations de Sansal et de Louni pour classer l’islamisme dans la case «fasciste», le vert étant le fils du gris et pour ce premier argument que nous ne voyons pas où se trouve ce grand capital dans notre pays qui aurait poussé à la création de ce fascisme dans une réaction de peur face aux risques de prise de pouvoir par la classe ouvrière. Il nous en faudrait un peu plus pour oublier le rôle de l’impérialisme anglais et américain dans sa création, sa manipulation et son utilisation. Même si l’élucidation scientifique de l’islamisme n’est pas achevée.
Etrange dossier qui invente une polémique et une cabale et qui, pour se légitimer, les convoque le jour même du procès. Etrange dossier qui reprend les procédés de l’auteur qu’il tient à défendre. Etrange dossier qui nous invite à nous taire et à faire place à la divine parole d’un créateur. L’enjeu doit être bien important pour qu’on nous somme de nous taire sous mille et une argumentations et surtout qu’on esquive les seules questions qui aient été posées avant ce dossier : avons-nous le droit, oui ou non, de critiquer n’importe quelle œuvre littéraire ou artistique et ces œuvres appartiennent-elles à l’instance de représentation du monde réel et sont-elles donc une partie des enjeux de ce monde ?
Ce dossier avait, cependant, un objectif plus immédiat : disqualifier toute la défense du mythe fondateur de notre Etat-nation, la guerre de libération et le 1er Novembre. Leur ôter tout ce caractère sacré qui fait qu’au-delà de nos divergences, de nos luttes internes, des affrontements, en tant qu’Algériens, nous défendons notre lignée symbolique, notre appartenance commune à l’Algérie dont nous plaçons la naissance dans le 1er Novembre. Il faudra aussi compter sur le poids de nos mythes agissants avant d’espérer mener un débat à sens unique avec ou sans le soutien discret des appareils idéologiques de l’Etat français et de ses démembrements locaux.
M. B._______________________
Jeudi 20 mars 2008
Salon du livre de Paris: l'insoutenable légèreté des mots
par Youcef Zirem
Le Salon du livre de Paris vient de se terminer. Des écrivains algériens y ont signé leurs livres même si l'Algérie et les pays arabes ont boycotté cette manifestation. Une fausse alerte à la bombe, le dimanche 16 mars, a mis à l'arrêt cette impressionnante exposition pour moins d'une heure avant que les choses ne reprennent leur rythme usuel. Par rapport aux autres années, il semble qu'il y a eu moins de monde; la crainte a donc été présente durant ce rendez-vous des lettres et des mots. La crainte continue à être partagée entre Israël, invité officiel de cette halte des livres, et la Palestine, un pays qui n'en est pas encore un, une patrie spoliée, un territoire où survit un peuple meurtri par des cousins qui ont pourtant connu cette énorme injustice qu'est la Shoah. Boualem Sansal a eu le prix RTL-Lire. L'auteur de «l'Enfant fou de l'arbre creux» est un remarquable prosateur. Mais il semble que ce dernier prix qu'il vient de recevoir est plutôt donné à ses déclarations et à sa démarche depuis la parution de son dernier roman «le Village de l'allemand». Car, dans les milieux littéraires français, rien, absolument rien n'est innocent. Déjà pour se faire publier dans cette capitale mondiale de la culture qu'est Paris, il faut perdre un peu de son âme et rentrer dans «le moule». Un moule que les éditeurs parisiens arrivent facilement à imposer aux écrivains du Maghreb. Bien sûr tous les écrivains de l'Afrique du Nord ne se laissent pas faire. Dans les années 1980, Azzedine Bounemeur avait publié des textes à succès chez Gallimard; ses romans «les Bandits de l'Atlas» et «les Lions de la nuit» avaient eu les faveurs du public et de la critique. Mais les é ditions Gallimard voulaient censurer des passages d'un autre de ses romans, «Cette Guerre qui ne dit pas son nom». Azzedine Bounemeur s'était élevé contre cette pratique et a quitté Gallimard. L'immense écrivain marocain, Mohamed Khair Eddine, mort en 1995, a été assez marginalisé lorsqu'il a persisté dans son indépendance et sa contestation alors qu'il avait été comparé à Rimbaud dès son premier roman «Agadir», paru au début des années 1960.

Le Salon du livre de Paris a été l'occasion de nombreux débats. Ce qui est étonnant, c'est qu'on a beaucoup parlé du boycott des pays arabes mais on a rarement cité le boycott de l'Israélien Aaron Shabtai. Ce qui est étrange, c'est qu'on a tenté de raconter la vie en Palestine et en Israël mais on a peu envisagé de solutions capables d'apporter la paix. C'était comme si les mots ne servaient qu'à s'exprimer et se faire voir; c'est comme si les mots vrais étaient bannis; c'est comme si la littérature n'était qu'un art complètement inutile.
______

_________________________
Un article que j'aurais pu écrire.

El Watan du lundi 10 mars 2008
L’esprit des lettres


En décidant de boycotter le salon du livre de Paris, qui honore Israël, les écrivains et éditeurs algériens ont pris leur responsabilité. Nul ne leur en a fait injonction, hormis le devoir de conscience qui les amène à se démarquer d’une célébration d’Israël qui est en même temps un déni des Palestiniens. Les Algériens ne sont pas seuls dans ce cas de figure, puisque leurs homologues marocains, tunisiens et libanais ont également décidé de boycotter le salon du livre de Paris. Ils ne pouvaient, d’ailleurs, pas faire moins que des intellectuels israéliens qui ont refusé de prendre part à cette manifestation qui fait pourtant l’exégèse de l’Etat hébreu. Chacun pourtant est libre de vouloir y aller, et c’est le cas de rares écrivains algériens qui, comme Boualem Sansal et Maissa Bey, ont affirmé leur détermination à participer. Cette dernière a pu arguer, dans une déclaration à un quotidien français, qu’elle y allait en tant qu’écrivain et non pas comme citoyenne algérienne, s’étonnant au passage de la confusion entre l’un et l’autre. La nuance peut, en effet, être faite et chacun peut y adhérer si elle était invoquée, cette fois, que pour légitimer une présence à un salon du livre qui fête les 60 ans d’un Etat qui, aujourd’hui, tue des nourrissons palestiniens dans leur berceau. Aucune pensée généreuse ne peut dédouaner Israël de semblables crimes : le sang des victimes tombées quotidiennement à Ghaza éclabousse plus que symboliquement le salon parisien du livre. Même en occultant sa citoyenneté, un écrivain — quel qu’il soit — ne peut pas détourner les yeux du spectacle de la tragédie palestinienne et choisir la commodité d’une cécité de circonstance. Le philosophe Jean-Paul Sartre s’était déclaré prêt à prendre les armes pour aider à la libération du peuple algérien : sa citoyenneté française n’en était pas pour autant dissoute. Le refus de la chaise vide peut se comprendre, mais ce n’est pas le salon du livre de Paris qui va infléchir le sort du durable conflit israélo-palestinien. Les organisateurs de la manifestation sont, par contre, comptables d’un évident parti pris en privilégiant Israël au détriment de la Palestine. Aller au salon de Paris dans de telles conditions, et même à titre individuel, en avançant toutes les justifications, équivaut à valider le plus fort contre le plus faible. Honorer Israël, comme le fait le salon de Paris, équivaut à accorder une prime à la force brutale, et cela implique une atteinte à la morale que même des écrivains israéliens ont nettement perçue. Mais il faut donner acte à Madame Maissa Bey, dont le talent personnel se suffit à lui-même, que l’écrivain peut ne pas être un citoyen de son pays. Oui, parce qu’il est aussi un citoyen du monde et que cette qualité l’oblige à une lucidité supérieure qui transcende le commun des mortels. La plus élémentaire des règles de solidarité, au moment où des dizaines de Palestiniens meurent violemment, de ne pas donner des gages à un Etat qui, de surcroît, les tue en toute impunité. Le reste pourrait être — si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes — de la littérature.
Amine Lotfi
::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::


L’angoisse et le dégoût de Boualem Sansal

Qui en douterait ? Le dernier roman de Boualem Sansal a été très mal reçu chez lui en Algérie. Il a l'habitude. Sauf que cette fois, le malaise s'installe si durablement et la menace se fait si insidieuse que l'angoisse est quotidienne. Au point de le pousser à s'exiler. Il n'envisageait pas jusqu'alors de vivre ailleurs que dans son pays, malgré tout, ce qu'il m'a confié tout à l'heure à l'issue d'une longue conversation à bâtons rompus à Bruxelles. Il faut dire que Le Village de l'Allemand ou le Journal des frères Schiller (265 pages, 17 euros, Gallimard), son cinquième roman depuis Le Serment des barbares qui l'avait révélé, raconte une histoire pour le moins explosive.

   Les deux narrateurs sont deux frères nés d'un couple dit mixte : mère algérienne, père allemand. Celui-ci est un moudjahid nimbé de l'auréole de ceux qui ont combattu héroïquement pour arracher l'indépendance aux Français. A ceci près qu'il eut un autre passé pendant l'autre guerre, celle du IIIème Reich... A travers leur Journal, les deux frères évoquent tant la découverte de la solution finale par un jeune Arabe que la récente guerre civile algérienne et la vie des immigrés dans les cités dans la France de la fin du XXième siècle. Trois raisons d'appuyer là où ça fait mal. L'action se situe à Aïn Deb, près de Sétif, où les islamistes du GIA massacraient à la chaine il y a peu encore. Le nom est inventé mais c'est bien ce coin là où vécut autrefois celui que les gens du crû appelaient "l'Allemand". La vérité et la force de ce roman ne surgissent pas seulement de son authenticité, mais aussi de sa recherche formelle.

    Lakhdar Hamina, la fameux réalisateur de Chronique des années de braise, prit même son téléphone pour le confirmer à Sansal :" Ton type, je l'ai connu. Même qu'on l'appellait comme ça, Al Almaani lألماني l'Allemand !". Pour écrire cette histoire, l'auteur n'a pas seulement enquêté sur le personnage en interrogeant les témoins locaux ; il s'est documenté sur les liens p1000075.1204792028.JPGhistoriques entre nazisme et monde musulman. "C'est pour ça qu'aujourd'hui, on ne me lâche pas, me dit-il. Ils sont persuadés que j'ai tout inventé pour nuire à l'image du FLN en mêlant les anciens nazis à la guerre de libération de l'Algérie". Et Boualem Sansal de regretter que malgré l'excellent accueil de la presse française, nul n'ait osé creuser dans le roman et aller au fond des choses. Explorer les liens historiques entre islamisme et nazisme. Il cite bien sûr le grand mufti de Jérusalem Al Husseini et ses visites auprès d'Hitler, mais aussi Hassan El Banna, le fondateur des Frères musulmans, qui en fit autant, sans oublier un personnage inconnu des Français mais bien connu des Algériens qui s'intéressent aux racines idéologiques du FIS (Front Islamique du Salut) : Mohamdi Saïd, le troisième du trio (avec Madani et Belhadj) qui fonda l'organisation ; or, avant cela, et avant d'être ministre de Ben Bella et dignitaire du FLN, cet homme s'était engagé volontaire à 19 ans sous l'uniforme allemand en pleine guerre. Uniforme sous lequel il fut promu officier, engagement qu'il ne renia jamais.

     Boualem Sansal est formel : "Il y a incontestablement un courant national-socialiste qui irrigue la pensée islamiste et l'on sait parfaitement d'où il vient. Les textes sont là, il suffit de les étudier. Mais ce que me reprochent les Algériens, ce n'est pas de le dire, ça comme le reste, mais de le dire en France. Ils veulent que ça reste entre nous". Et Sansal de dénoncer "l'ambiguité et le double langage" des intellectuels arabes, un pusillanimité dont il se dit "dégoûté". Après sa lettre encolérée à ses compatriotes publié en 2006 sous le titre Poste restante, Alger, le nombre de ses ennemis avait déjà augmenté. Aujourd'hui, la vie devient de plus en plus difficile pour lui dans sa petite ville de Boumerdès (ex Rocher noir), à 50 kms d'Alger. Il ne peut plus retrouver de travail en dépit de sa formation et de son passé à l'Institut de gestion du BIT, et sa femme a été mise à la retraite anticipée de son poste de professeur de mathématiques. A chaque demande, des réponses dilatoires et des fin de non-recevoir. Les menaces fleurissent sur les blogs :"Sansal, souviens de Djaout et Matoub ...", mais comment pourrait-il oublier l'écrivain et le chanteur kabyles assassinés. "Tous les matins, j'ai ma photo dans la presse, ou un article, pour me traîner dans la boue ou me traiter de malade mental. Le voisinage me regarde d'un sale oeil. Angoissant, non ? En tout cas, on ne supporte plus. Il faut savoir que Bouteflika (le président algérien), c'est Poutine+Ahmadinedjad. Vous voyez ? p1000077.1204792813.JPGUn autocrate mégalomane suffisamment proche des islamistes pour leur confier la moitié de ses ministères." Toutes choses énoncées sans que jamais il ne se départisse du calme, de la maîtrise et de la douceur qui le caractérisent.

     Persuadé à juste titre qu'on lui fait payer le succès de ses livres en France, il n'en éprouve aucun regret pour autant. Sa pugnacité et son courage le singularisent, surtout à un moment où l'on voit un écrivain tel que Yasmina Khadra accepter de son gouvernement le poste aussi officiel que politique de directeur de l'Institut culturel algérien à Paris. Mais aujourd'hui, alors que tout se crispe autour de lui, Sansal se sent désormais coincé. Que faire alors ? Partir peut-être. D'autant que cela ne s'arrangera pas avec sa dernière prise de position : il est de ceux qui boycotteront l'appel au boycottage du Salon du livre de Paris, jugeant absurde que des écrivains arabes tiennent des écrivains israéliens pour responsables de la politique de leur gouvernement au lieu de les considérer exclusivement comme des représentants de leur littérature. "J'irai, je participerai et je dédicacerai bien sûr !". A propos, si Boualem, prénom berbère qu'on ne trouve qu'en Algérie, signifie "étendard", Sansal n'est le porte-drapeau de personne. Un écrivain, juste un écrivain.
PA, 06 mars 2008
In : http://passouline.blog.lemonde.fr
_______
L'Expression du lundi 10 mars 2008
Page : 15


BOYCOTT DU SALON DU LIVRE DE PARIS PAR LES ARABES
Une réponse élégante à Israël

«Je ne pense pas qu’un Etat qui maintient une occupation, en commettant quotidiennement des crimes contre des civils, mérite d’être invité à quelque semaine culturelle que ce soit. Ceci est anticulturel; c’est un acte barbare travesti de culture de façon cynique. Cela manifeste un soutien à Israël, et peut-être aussi à la France, qui appuie l’occupation. Et je ne veux pas, moi, y participer.»
Aaron Shabtai Grand poète israélien

C’est en ces termes qu’Aaron Shebtai a répondu à l’invitation à participer au Salon du livre de Paris. On doit, à l’immense poète, le poème suivant à propos de la guerre d’Israël aux enfants palestiniens:
«Le signe de Caïn n’apparaîtra pas sur le soldat qui tire sur la tête d’un enfant depuis une colline au-dessus de l’enceinte autour du camp de réfugiés parce que sous le casque, pour parler en termes conceptuels, sa tête est en carton»....
Un autre auteur dissident Ilan Pappe, qui refuse lui aussi de participer, écrit: «La purification ethnique continue et Israël veut vous la faire accepter. Quand naquit l’Etat (d’Israël), personne ne lui reprocha l’épuration ethnique sur laquelle il s’était fondé, un crime contre l’humanité commis par ceux qui la planifièrent et la réalisèrent. Dès ce moment-là, l’épuration ethnique devint une idéologie, un ornement infrastructurel de l’Etat». On remarque que beaucoup d’auteurs israéliens dénoncent la politique de leur pays envers les Palestiniens.
De quoi s’agit-il en fait? «Un évènement exceptionnel, la venue en France de 39 écrivains d’Israël de langue hébraïque, invités par le Centre national du livre, le ministère français des Affaires étrangères et les pouvoirs publics israéliens. Rendez-vous sur le Pavillon d’honneur aux couleurs d’Israël pour des débats, tables rondes, lectures, animations pour la jeunesse, performances musicales et théâtrales, projections de films: autant de représentations et d’illustrations d’une société moderne à découvrir et comprendre en dehors de tous clichés». Voilà ce qui est écrit sur le site Internet du Salon. 369 sont prévues dans ce Salon dont près d’un quart seront faites par des auteurs israéliens, cela ne s’est jamais vu.

Invitation déplacée
Israël est l’invité d’honneur du Salon du livre 2008 à Paris, qui doit être inauguré le 13 mars par le président Nicolas Sarkozy et son homologue israélien, Shimon Pérès. Après le Liban, le Maroc, la Tunisie et l’Algérie ont annulé la réservation de leurs stands officiels. Le choix d’Israël comme invité d’honneur du Salon du livre 2008 à Paris, l’année des 60 ans de la création de l’Etat hébreu, continue d’irriter des intellectuels arabo-musulmans, malgré les protestations de neutralité de l’organisateur. L’Organisation éducative, scientifique et culturelle islamique a également exhorté, mardi dernier, ses 50 Etats membres à boycotter le Salon du livre, pour protester contre l’honneur fait, selon elle, à l’Etat hébreu «malgré ses atrocités, l’oppression, la famine et le siège du peuple palestinien».(1)
«Il n’est pas digne de la France, le pays de la Révolution et des droits de l’homme, d’accueillir dans son Salon du livre un pays d’occupation raciste», a déclaré le président de l’Union des écrivains palestiniens, Al-Moutawakel. Face aux critiques, le ministère des Affaires étrangères français a justifié l’invitation faite à Israël et jugé tout boycott «extrêmement regrettable». La ministre de la Culture et de la Communication regrette qu’un certain nombre de pays arabes refusent de participer au Salon du Livre de Paris au motif qu’Israël est l’invité d’honneur. La ministre rappelle que «le Salon du livre est un lieu de rencontres et de débats libres, propice au dialogue le plus ouvert entre les cultures». «La France, poursuit la ministre, entend poursuivre cette politique d’accueil de toutes les littératures, sans exclusive ni interdits». De son côté, le Syndicat national de l’édition (SNE), tient à préciser que «l’invitation d’Israël en 2008 a été annoncée il y a plus d’un an: les pays qui viennent d’annuler leur stand l’avaient réservé en connaissance de cause».
On a pu lire aussi dans Le Monde daté du 29 février une prise de position de Tariq Ramadan qui prône une «présence critique à Paris», alors qu’il défend le «boycottage à Turin». Si c’est la littérature israélienne qui est invitée d’honneur en France, c’est bien l’Etat d’Israël que l’on célèbrera en mai prochain en Italie à l’occasion de son 60e anniversaire. Libération a publié le même jour un intéressant point de vue de Mickaël Parienté, éditeur et écrivain, intitulé: «Littérature hébraïque ou israélienne?».
Pourquoi cette conjonction avec un anniversaire controversé? La France avait une occasion unique de se remémorer «Mai 1968», évènement à portée planétaire qui aurait effectivement une dimension importante (le quarantième anniversaire). Il est vrai que dans la nouvelle vision, Mai 1968 est rejeté car il a détruit l’ordre ancien, la meilleure preuve est qu’une seule conférence a été programmée avec un titre éloquent «Que reste-t-il de mai 1968?».
Il est difficile de ne pas y voir une corrélation avec le 60e anniversaire de la Nekba palestinienne, appelée en Occident naissance de l’Etat d’Israël dont la création a pris véritablement naissance en novembre 1917 quand Lord Balfour écrit à Rothschild pour l’informer de la détermination de sa majesté à offrir un «foyer» aux Juifs de la diaspora. En fait et pour être plus juste, il y eut une tentative au XVe siècle d’un certain David Rabbani pour convaincre, en vain, le sultan de Constantinople de donner une terre aux Juifs. Il a fallu attendre le Congrès de Bâle en 1897 pour que Théodore Herzl, l’idéologue du sionisme, pose les fondements du sionisme et partant, de l’Etat d’Israël. Ecoutons-le nous résumer les conclusions: «Si je devais résumer le Congrès de Bâle en un mot - ce que je me garderais bien de faire publiquement - ce serait celui-ci: à Bâle, j’ai fondé l’État des Juifs. Si je le disais aujourd’hui, je récolterais un rire universel. Peut-être dans cinq ans, en tout cas dans cinquante, chacun s’en rendra compte....J’ai chauffé les gens progressivement en créant une ambiance étatique et j’ai produit en eux le sentiment qu’ils étaient l’Assemblée nationale.»(2).
Comment Israël a-t-il pu, en l’espace de 60 ans, prendre 80% des terres palestiniennes? en chassant ses occupants naturels pour des Askhenazes ameutés du bout du monde avec les dollars de l’Aipac comme prime d’installation en Israël. Les propos d’Albert Einstein et d’autres personnalités formalisés dans une lettre adressée au New York Times au sujet de Begin et d’Israël le 2 décembre 1948, quelques mois après la reconnaissance d’Israël, expliquent la «technique employée»: «Avant que des dommages irréparables soient faits par des contributions financières, des manifestations publiques en soutien à Begin et avant de donner l’impression en Palestine qu’une grande partie de l’Amérique soutient des éléments fascistes en Israël, le public américain doit être informé sur le passé et les objectifs de M.Begin et de son mouvement. Aujourd’hui ils parlent de liberté, de démocratie et d’anti-impérialisme, alors que jusqu’à récemment ils ont prêché ouvertement la doctrine de l’Etat fasciste. Parmi les phénomènes politiques les plus inquiétants de notre époque, il y a dans l’Etat nouvellement créé d’Israël, l’apparition du "Parti de la Liberté" (Tnuat Haherut), un parti politique étroitement apparenté dans son organisation, ses méthodes, sa philosophie politique et son appel social aux partis Nazi et fascistes. Il a été formé par les membres et partisans de l’ancien Irgun Zvai Leumi, une organisation terroriste d’Extrème-Droite et nationaliste en Palestine. Il est inconcevable que ceux qui s’opposent au fascisme dans le monde entier, si correctement informés quant au passé et aux perspectives politiques de M.Begin, puissent ajouter leurs noms et soutenir le mouvement qu’il représente».(3)
C’est dire si cet anniversaire est controversé et si cette invitation était déplacée, car en creux, c’est l’anniversaire d’une catastrophe- shoah ou Nekba- pour les Palestiniens qui n’en sont toujours pas revenus. Si les autorités organisatrices ont pris ce risque, c’est qu’elles se doutent que la riposte des pays «contre» sera insignifiante. En réalité, dans le monde francophone il s’agit principalement des pays maghrébins arabes qui sont, dans les faits, la colonne vertébrale de la francophonie qu’ils soutiennent au quotidien en enseignant et en acculturant leurs peuples dans la langue de Voltaire. Faut-il croire que la francophonie ou plutôt la langue française peut se passer de ces locuteurs? On prête à la France d’accorder une place à Israël dans la francophonie. Avec Israêl tout est permis au nom de la «dette éternelle» contractée à Auchwitz.

Réveil tardif des Arabes
On serait amené à penser que ce boycott n’est que l’oeuvre d’Arabes revanchards et d’anciens colonisés voulant protester sans que cela ne prête à conséquence. C’est peut-être vrai, mais pas seulement; des Juifs boycottent Israël pour sa politique envers les Palestiniens! Ainsi, l’Union juive française pour la paix écrit: «Le Salon du livre a choisi de faire d’Israël son invité d’honneur pour les 60 ans de la naissance de cet Etat. Nous avons d’emblée dénoncé ce choix au moment où cet Etat viole systématiquement le droit international, nie les droits du peuple palestinien, multiplie les crimes de guerre. Depuis des mois, l’Ujfp travaille donc avec les Editions La Fabrique auxquelles elle est associée par l’intermédiaire de sa revue De l’autre côté - à contrer cette opération sur le terrain du Salon du livre -qui appartient à tout le monde et non à Israël- en créant un pôle avec ceux pour qui ce sont les 60 ans de la Naqba qu’il faut rappeler, ceux pour qui c’est Israël qui doit être sanctionné et boycotté tant qu’il mène cette politique criminelle. Pour cela, nous avons invité plusieurs auteurs connus pour leur travail et leur lutte, ceux qu’avec «La Fabrique» nous faisons connaître car ils combattent l’occupation. Les menaces, nous en avons déjà reçues, notre stand fait scandale en tant que tel. Des auteurs tels que Amira Hass, Michel Warschawski, Ilan Pappe, Eyal Weizman, Jamal Zahalka (député du front national démocratique en Israël et auteur d’articles), Yael Lerer (directrice des éditions Andalous qui traduisent la littérature arabe en hébreu pour faire connaître la culture arabe) sont invités à prendre la parole dans différents débats à l’intérieur du salon sur notre stand, ou sur une aire de débat indépendante à l’extérieur du salon, à Sciences Po et Reid Hall. La situation terrible faite à Ghaza par les gouvernements israéliens successifs depuis plusieurs mois, plusieurs années, s’aggrave encore. Aujourd’hui, Aaron Shabtai, invité de la délégation israélienne, refuse de mettre les pieds au Salon du Livre, c’est, bien sûr, tout à son honneur. Qu’Ilan Pappe, invité par Fayard pour la sortie de son dernier ouvrage, et par nous pour porter cette parole, préfère le boycott pur et simple, nous le comprenons...Quant à nous, partisans du boycott et de sanctions contre l’Etat israélien en raison de ses crimes, nous y serons et nous y ferons le travail que nous nous sommes promis d’y faire: diffuser d’autres idées et d’autres points de vue sur Israël aux 200.000 visiteurs qui viendront, comme chaque année, parcourir les allées du Salon.
«Boycotter Israël, ce n’est pas boycotter les Israéliens qui, en Israël même, se battent contre les crimes de leur gouvernement et de leur armée. Quand nous avons boycotté l’Afrique du Sud, nous n’avons pas boycotté l’ANC ni les écrivains blancs antiapartheid. Nous ne laisserons pas Israël occuper le Salon du Livre et prendre en otage les deux cent mille visiteurs du salon sans contradiction».(4)
En définitive, les pays arabes se réveillent bien tard. Ils auraient accepté de participer, semble-t-il, il y a un an, en connaissance de cause. C’est à n’en point douter, les derniers massacres à Ghaza qui les ont fait réfléchir et reculer. Sans prendre à mon compte la position alambiquée de Tariq Ramadan, je pense personnellement, à l’instar de ce qu’à proposé l’Ufjp, de proposer d’assister en ferraillant dans les débats et choisissant à dessein des thèmes des ouvrages, des conférences et des auteurs sur la Palestine. Une façon élégante de répondre à ce parti pris qui ne veut pas dire son nom. C’est ce que veut faire Dominique Vidal du Monde Diplomatique, bien que sa démarche soit ambiguë, nous devons la rapporter entièrement: «Dominique Vidal a déclaré qu’à titre personnel, il a pris l’initiative d’organiser avec les éditeurs français concernés un débat (sur "vingt ans de nouvelle histoire israélienne") au sein du Salon, mais de façon autonome. Je n’envoie de machine de guerre contre personne, je suis un partisan de la bataille d’idées. Et le fait d’investir le Salon suscite des réactions». D.Vidal y présentera sans doute son dernier livre: Comment Israël expulsa les Palestiniens (1947-1949) (L’Atelier, 2007. (5)
On doit à la vérité de l’information d’ajouter que «le livre de Dominique Vidal est préfacé par l’ex-ambassadeur d’Israël en France et aux Nations unies, Yehuda Lancry, actuel co-président de la "commission bilatérale de haut niveau France-Israël", et prochain invité au dîner du Crif célébrant les 60 ans d’Israël» C’est toute l’ambiguité de cette initiative.
Pour faire comme Dominique Vidal, cela suppose, on l’aura compris, une coordination des Arabes. Ibn Khaldoun nous l’interdit à jamais; n’est-ce pas lui qui, un jour de spleen, déclamait ce syllogisme redoutable: «Ittafaqua Al ‘Arab an la Iattafiq». «Les Arabes se sont mis d’accord pour ne pas se mettre d’accord». ll nous reste à prier qu’il n’ait pas dit cela. Il reste que nous brillons par notre manque d’imagination. Lawrence d’Arabie avait raison d’écrire à propos des Arabes: «Peuple des beaux départs...», l’arrivée étant toujours problématique.

(*) Ecole nationale polytechnique

1.Salon du Livre: le choix d’Israël irrite les arabes NouvelObs. 3/03/2008.
2.Theodor Herzl, 3. September 1897, in: Briefe und Tagebücher. Bd. 2: Zionistisches Tagebuch 1895-1899. Berlin 1984, p. 539.
3.Lettre d’Albert Einstein: http://www.qumsiyeh.org/ Traduction: MG pour ISM Dimanche 02 mars 2008
4.Communiqué Ujfp à propos du Salon du livre de Paris 3/03/2008
5.http://www.bakchich.info/article2911.html

Pr Chems Eddine CHITOUR
Le quotidien d’oran samedi 22 mars 2008
Le Salon du livre à Paris: retour sur une polémique
par Djamel Labidi
Etonnante mais intéressante à plus d’un titre, cette polémique, chez nous, sur le boycott du Salon du livre à Paris. Au départ, le problème est apparemment simple: le Salon de Paris célèbre le 60eme anniversaire de l’Etat d’Israël et Israël en est ‘l’invité d’honneur’. En d’autres termes, le salon est politisé et la littérature est prise en otage, instrumentalisée. Il s’agit d’ailleurs d’une opération de large envergure qui touche aussi le salon du Livre de Turin, en Italie, des festivals de cinéma, comme celui de Mons en Belgique, dédiés eux aussi à ce 60eme anniversaire. Impossible donc de cautionner cela par sa présence. Et pourtant, chez nous, il y a polémique autour de la question de la participation. C’est ainsi que Mohamed Benchicou , qui décide pourtant de ne pas participer à ce salon, laisse entendre, dans un texte du 15 mars, que les organisations des éditeurs arabes, dont le syndicat algérien des éditeurs, ont décidé du boycott car ce sont des organisations ‘satellisés’ par les régimes arabes, et que si lui, n’y participera pas, c’est pour d’autres raisons. Quelles sont ces raisons, et en quoi elles sont différentes ? On le cherche en vain dans ses explications puisqu’elles nous apprennent seulement, ce que tout le monde sait, qu’Israël, comme de coutume, tue actuellement à Gaza.

Mais alors, question:quand on est vraiment pour le boycott, quel intérêt y a-t-il à dénoncer ou à regretter le fait que les régimes arabes sont aussi pour ce boycott? La vraie question est, pour chacun de se situer par rapport à ce boycott, s’il est juste ou non. C’est tout.

C’est donc une incohérence, mais dont on a l’explication donnée par Benchicou lui même lorsqu’ il écrit: ‘ qu’il est pénible d’être forcé au partage du choix hypocrite des tyrans arabes’; il le dira même une autre fois:’ C’est dire à quel point il est pénible d’être forcé de partager le choix fourbe de nos autocraties arabes’.

Il faut noter les mots ‘forcé’, ‘pénible’, le voilà l’aveu. Ce serait donc un boycott à contre coeur. En effet, Benchicou est ‘forcé’ par qui? Certainement pas par le pouvoir puisqu’il le dénonce et arbore son indépendance à son égard. Cela lui est pénible pourquoi? De ‘partager ce choix fourbe’. Le lapsus est étonnant: ce qu’il dit partager c’est donc... un ‘choix fourbe’ !

Par qui est-il donc ‘forcé’ ? Forcé par l’opinion chez nous qui ne comprendrait pas la participation à ce salon. Il serait alors, bien plus proche des régimes arabes dont ils dénoncent l’hypocrisie et qui n’agissent que par peur de leur opinion. Mais aussi, ‘forcé’ par Israël et son comportement actuel dans les territoires occupés. Car, comme il le dit lui même: ‘Oui, on ne saurait prendre part à un Salon qui glorifie un Etat au moment même où il extermine des enfants ! C’est tout’. Ce qui veut dire aussi qu’il aurait participé à ce salon, où l’invité d’honneur est Israël, si celle ci ( hélas!...) n’avait pas massacré à Gaza. Cela sonne comme un reproche : voilà à quoi, vous nous obligez... Ce n’est pas Israël, en tant que fait colonial, qui est dénoncé, ce sont simplement ses méthodes, comme si l’un n’impliquait pas l’autre.

Cela se précise par ailleurs par la suite, lorsqu’il reproche aux régimes arabes de masquer hypocritement ‘un mouvement diplomatique souterrain arabe qui se dirige vers la normalisation avec Tel-Aviv et dont l’Algérie est une des actrices principales.’ Pourtant, on s’en souvient, le journal ‘Le Matin’, avait envoyé il y a quelques années, une délégation de ses journalistes en Israël. Il avait déclenché à cette occasion une campagne pour la normalisation des relations avec l’Etat hébreu et où il vantait la ‘démocratie israélienne’. Benchicou est donc, là encore, plus proche des agissements de ces régimes qu’apparemment il dénonce. Ou alors, leur reproche-t-il au fond, seulement de ne pas aller plus loin. Que de contradictions et d’incohérences. Le discours si adroit, si apparemment plein d’une indignation vertueuse qu’il soit, ne peut rien y changer. Comme dirait Sartre: ‘les hommes sont ce qu’ils font’.

Cette admiration pour Israël transparaît d’ailleurs dans ce qu’il écrit. Ainsi, d’un poète israélien, qui dénonce les agissements de l’armée israélienne contre les palestiniens, il dit, qu’il peut écrire ainsi librement, parce qu’ ‘il est israélien’. Le fait d’être israélien devient alors en soi, par définition, un label, une garantie, une qualité intrinsèque, une chance pour un être humain sur cette planète! Ce n’est pas parce que ce poète est un homme courageux, un esprit libre, c’est parce qu’il ‘est israélien’! L’Afrique du Sud était le pays de l’apartheid mais il était une démocratie... pour les blancs. La France était une démocratie qui massacrait et opprimait dans ses colonies. Quand de grands écrivains français dénonçaient ces crimes, personne, y compris eux, n’aurait songé à y voir un alibi au colonialisme ou une raison pour admirer la France.(1)

Benchicou a beau dans le même texte fustiger Bigeard, mais c’est trop facile, la cause, là, est depuis longtemps entendue. Le courage, aujourd’hui, c’est de dénoncer les formes actuelles du colonialisme. Quelle est cette conception qui arrête la démocratie aux frontières des Etats occidentaux, et qui ne tient pas compte, même si cela n’apparaît pas immédiatement, que tout cela forme un tout, que la domination des uns a besoin de l’absence de démocratie chez les autres. La démocratie ne sera jamais réelle, y compris au sein des démocraties, si elle n’est pas mondiale, mais c’est un autre débat, celui certainement de ce 21eme siècle. Décidément cette polémique sur ce salon du livre est pleine d’enseignements. Elle nous mène plus loin que l’événement lui-même.

L’écrivain Yasmina Khadra, directeur du Centre culturel algérien à Paris, intervient lui aussi dans le débat. Interviewé par une chaîne de télévision française, il dit bizarrement au sujet de l’affaire de ce boycott, à peu près ceci:’Tout cela montre comment la question palestinienne devient de plus en plus gênante pour tout le monde’. ‘Gênante’. ? Les palestiniens seraient-ils gênants?

Lui aussi, dans un texte du 17 mars, paru dans le journal ‘l’Expression’, éprouve le besoin de préciser que sa décision de boycotter le salon ‘ n’a rien à voir avec celle des gouvernants arabes’ comme s’il fallait ainsi prouver son indépendance et que les mille et un motifs pour un écrivain de boycotter ce salon ne suffisaient pas. On comprend mieux par la suite ce souci lorsqu’il dénonce le mépris de ceux qui ne voient dans les écrivains arabes que ‘des scribouillards du régime’. Et il ajoute:’ des journalistes parisiens ont trouvé ma décision ‘décevante’, ‘instrumentalisée par le Pouvoir algérien’ puisque, désormais, je suis le ‘très officiel directeur du Centre culturel algérien’. Quel est donc ce besoin de montrer sans cesse patte blanche à l’autre, et de continuer ainsi à naviguer dans le cercle de l’aliénation. C’est pourtant de cette aliénation dont il est question, au fond, dans le texte de Khadra , même s’il n’en parle pas expressément.. C’est ainsi qu’il a le mérite d’aborder franchement certains problèmes, et, de mettre le doigt sur la dépendance culturelle et matérielle de l’écrivain, notamment francophone algérien. ‘Il (Shimon Peres) entend ainsi sanctionner les écrivains récalcitrants, qui seront exclus médiatiquement et, ainsi, brisés dans leur carrière littéraire.’ Dit Khadra , et plus loin:’ ma carrière littéraire dépend de Paris et non pas d’Alger. Si j’étais un corrompu, j’aurais naturellement cédé aux pressions des médias parisiens, puisque Alger ne peut ni me protéger ni doper ma verve d’écrivain’. Du coup, on comprend mieux les non dits, les véritables raisons, les contradictions, les hésitations, les enjeux cachés, bref le vrai problème qu’a posé à certains le boycott de ce salon.
________________________________________
(1)Au fait, à propos de ‘démocratie israélienne’, le gouvernement israélien n’a donné droit qu’aux écrivains israéliens écrivant en hébreu de participer au salon de Paris, et pas à ceux écrivant en Anglais ou en Russe. Nos écrivains en français ne connaissent pas ce genre de discrimination.

Sansal et le péché d’indifférence
Par Mohamed Bouhamidi, La Tribune du 13 mars 2008
Qui distribue les cartes, je vous le demande, pour que tout s’enchaîne et s’embrouille ou s’enchaîne dans l’embrouille entre un livre entièrement dédié au péché d’indifférence à la Shoah écrit par Boualem Sansal et proclamé livre phare d’un Salon du livre de Paris qui invite Israël, non comme pays mais comme Etat, pour célébrer sa naissance en sa soixantième année et glisse ainsi de la traditionnelle invitation d’un pays à la célébration de la naissance d’un Etat ? La difficulté n’est pas mince, vous le saviez, car, si la dénomination de pays pour la totalité des territoires de la planète ne pose pas problème, on ne parle jamais du pays Israël, mais de l’Etat d’Israël, disjoignant ainsi dans la forme cet Etat sans frontières du territoire qui le porte ou le supporte : la Palestine.
Un Etat et le pays
Et sa création toute récente n’explique pas cette difficulté culturelle, puisque nous sommes en pleine manifestation du livre, à inventer une histoire suffisante à Israël pour résoudre cette équation que, si l’Etat s’appelle Israël le pays s’appelle Palestine. Le nom de la Chine, de l’Inde, du Sénégal, du Maroc ou de tout autre pays du monde, même né de la décolonisation la plus récente, renvoie à une occupation des sols, à des populations, à des arts et une culture ancestraux, à des proto nations quand elles ne sont pas des nations achevées. Les organisateurs de ce salon ont encore compliqué l’opération ou tout fait pour la compliquer en voulant à la fois inviter Israël (à la place de l’Egypte qui était initialement prévue) et célébrer son anniversaire. Outre que l’anniversaire est une affaire de famille qui aurait fait de tous les autres participants des invités à une fête intime franco-israélienne ou franco-française au point où en est Sarkosy des signaux désordonnés qu’il émet sur cet Etat et sur la Shoah, ils ont politisé ce salon, car –diable !– pourquoi l’anniversaire, pourquoi la fête pour le cadet de la famille, sinon sanctifier l’idéologie qui l’a fondé, le sionisme, et accepter comme normale l’occupation des terres, une colonisation directe, la dernière dans l’histoire de l’humanité ?
C’est probablement ce pas de trop, ce glissement de l’invitation d’un Etat à la célébration de sa naissance et donc des idées qui le fondent qui ont donné ce caractère politique, cette impossibilité de ne pas y voir une consécration idéologique, à cette édition du Salon qui a accueilli, par ailleurs, bien des Etats posant problème, du point de vue européen et particulièrement français si offensif sur les droits de l’Homme et les valeurs démocratiques au point d’en faire une nouvelle idéologie de l’ingérence néo-coloniale à qui l’humanitaire sert d’oripeau de substitution aux anciennes, mais aujourd’hui invendables, missions civilisatrices d’un colonialisme de la canonnière. Il ne restait plus que d’inscrire sur le fronton du lieu ce poème de Primo Levi qui culpabilise l’humanité entière pour les malheurs sans nombre et les drames sans nom vécus par les Juifs du fait du nazisme et que Boualem Sansal reprend, en son point de bascule et centre de gravité, dans son dernier roman, promu avant l’heure au destin de procès sans appel de l’indifférence à la Shoah. Car ce Salon ne nous concerne pas seulement pour ce que ses organisateurs ont voulu en faire mais aussi parce que nous sommes les coupables annoncés par le réquisitoire légitimant cette naissance d’Israël. Et ce roman, que la censure bête et méchante va soustraire à la lecture des Algériens décrétés sous tutelle morale et mentale et incapables de se faire une idée par eux-mêmes, est l’acte le plus abouti de la mauvaise foi de la concurrence victimaire, de la compétition entre les souffrances et elles sont nombreuses, du génocide des Amérindiens aux massacres coloniaux en passant par deux siècles de traite des Noirs.
Réquisitoire contre l’Algérie
Le hors texte de ce roman nous avait déjà intrigués. Tant d’entretiens avec la presse parisienne pour donner à ce livre, le Village de l’Allemand, un point de départ «réaliste», un ancrage dans une historicité, un reflet d’une réalité cachée au plus profond du pays Algérie. Ce village de l’Allemand que serait Aïn D’heb, un cul-de-sac dans la région de Sétif. Cet Allemand ne serait pas tout à fait inventé.
Le village existe, la dénomination existe. Il se trouve que ce village a bien été construit par Henri Dunant, un Suisse qui y a installé des moulins et ramené de son pays quelques colons pour travailler la terre donnée en concession à une banque suisse. Henri Dunant sera plus tard le fondateur de la Croix-Rouge. Pour la presse parisienne, rien d’étrange que par l’injustice d’une légèreté historique, le fondateur de la Croix-Rouge serve de point de départ à une histoire de nazis mais le ton était donné : tout n’est pas que fiction dans ce roman et en son déroulement, ce passage étrange dans lequel Sansal fait dire à un nazillon, fils d’un nazi pur et dur, comment la Croix-Rouge a aidé à exfiltrer des SS et des criminels de guerre après la défaite de l’hitlérisme. Toujours dans le hors-texte, une fois «établie» la «vraisemblance» historique, le roman devient la pièce à conviction du réquisitoire dressé contre l’Algérie pour indifférence à la Shoah, pour le crime de ne pas l’enseigner dans les écoles (il n’y a aucun lien avec l’idée de Sarkosy d’en faire une matière d’enseignement pour les élèves du cours moyen en France ?), pour son interdiction dans l’espace médiatique. La charge est violente et peu importe que N. Abba, poète et seul journaliste algérien à avoir assisté au procès de Nuremberg, ait consacré à la Shoah une série documentaire à l’ENTV.
Nous ne sommes pas dans la vérité historique, n’est-ce pas, puisqu’il s’agit d’un roman et que l’auteur a droit à une liberté absolue de création ? Oui, à charge pour lui de ne pas essayer de faire passer sa fiction pour un récit historique. Et dans le texte, maintenant, par cette obsession de donner à son écrit les apparences d’une réalité, il entre carrément dans l’imposture.
Reprenons : dans ce village de l’Allemand vivait un ancien nazi recruté par l’ALN pour former les maquisards (ils seront passés par de bonnes mains) et qui, après l’indépendance, s’installera dans ce village de Aïn D’heb, rebaptisé Aïn Deb, honoré et vénéré par les habitants jusqu’au jour de sa mort dans un massacre collectif perpétré par les GIA. Il avait deux fils qu’il a envoyés, enfants, en France chez un compagnon de la guerre de libération qui avait préféré l’air de l’ancienne puissance coloniale –tout un symbole !- Le premier est un cador, marié, mondialisé dans son boulot, possédant pavillon, et le second un jeune tout ordinaire d’une grande cité de banlieue maniant ce français coloré des émigrés.
Rien n’est plus urgent pour l’aîné que de revoir le lieu où il est né et où est mort ce père qu’il n’a jamais connu. Il trouve dans une malle des documents –papiers officiels, lettres, photos, décorations militaires, etc.– qui prouvent son passé d’officier nazi. Fort bien. Il pouvait en rester à ce niveau de fiction, non, il quitte ce terrain pour nous extraire de ces documents une décision signée par Houari Boumediene –rien que ça, Boumediene, en personne- le nommant instructeur militaire, et, comme si cela ne suffisait pas, son aîné trouve une photo le montrant aux côtés du colonel. Il devait être bien naïf le colonel de confier ses hommes à un ancien nazi ou alors bien consentant. Le coup est direct.
En même temps qu’il donne l’impression de la vérité historique au lecteur, il donne à la présence de ce nazi la consistance de la connivence idéologique. Au moins ! Bien sûr, le statut revendiqué ou octroyé d’écrivain et de créateur devait soustraire Sansal aux petites vicissitudes des historiens de prouver leurs assertions. Le stratagème est connu : le créateur en l’occurrence ne traite pas de l’histoire mais des thèses qui lui donnent sens. Il fait alors traiter de ces thèses mais quelle horreur, de discuter à un artiste sa liberté de penser et de créer. On tombe immédiatement dans la controverse idéologique, la lutte des partis pris, les anathèmes. Il nous fait admettre une fois pour toutes le «relativisme» historique, l’inessentiel de la vérité factuelle, le droit de renvoyer dos à dos les acteurs historiques.
Sauf pour la Shoah, bien sûr. Elle est le Crime, le Mal, l’Absolu de l’Horreur. Et une fois installée l’illusion de vérité, le livre va s’y employer. En fait, il va s’employer à deux thèses d’inégale importance. La première jette l’opprobre sur notre guerre de libération, coupable de sympathies nazies au plus haut niveau de sa direction avec cette intrusion de Boumediene avec, dans le livre, la construction en filigrane qu’elle fera de nous les victimes de nos propres choix dans cette guerre quand le cadet va découvrir la parenté, mieux, l’identité entre l’islamisme qui nous a frappés de terreur et le nazisme qui nous a, sinon inspirés, du moins hanté.
Un livre, une prise de position
Ce nazi inventé efface d’un trait de fiction les Juifs de l’intérieur innombrables qui ont participé à notre guerre de libération et les Juifs encore plus innombrables qui, de l’extérieur, l’ont soutenue, aidée, financée et parfois au plus haut point de la générosité , comme l’a fait Henri Curiel.
La deuxième thèse, et elle est la plus importante, se construit dans la recherche de la vérité sur son père par l’aîné. Enfin, c’est ce que dit l’aîné dans son journal intime, mais, à la lecture on suit plutôt un homme à la recherche d’une culpabilité à la mesure du désastre nazi.
De page en page, l’aîné s’enfonce dans la mesure de la tuerie. Elle devient l’absolu comme devient absolue sa propre culpabilité d’être le fils de son père qui se transforme petit à petit en culpabilité tout court dans la relation avec le père, une culpabilité qui est la sienne de ne pas avoir mesuré l’ampleur du fait puis la culpabilité de toute l’humanité, non seulement de ne pas avoir vu les choses venir, de n’avoir pas arrêté le bras des nazis, non seulement d’avoir pu avoir maison, enfants et bonheur mais de ne pas vivre dans l’expiation permanente. L’aîné se suicide, laissant à son cadet son journal intime, les documents récupérés et quelque chose d’infiniment précieux aux yeux de l’auteur, la transmission d’une vérité sur ce qui transcende toute douleur, tout malheur, toute souffrance : la Shoah.
Le suicide est l’expiation non pour les crimes du père mais pour son propre crime d’ignorance, pour sa propre force exercée à se faire une vie, un métier, une femme, une maison, un bonheur ordinaire de réussite professionnelle et sociale auquel ne parvient pas son cadet trop pris dans sa condition d’origine, trop englué dans ses démêlés avec le béton des cités, l’arc-en-ciel des langues et des couleurs. Mais s’il est incontestablement un écrivain qui sait écrire et construire un roman, Sansal ne transmet aucune émotion : les sentiments de l’aîné sont trop construits, son texte est trop hanté par la thèse qu’il nous met constamment sous le nez avec une insistance trop lourde.
Dans ce livre, il déploie une technique vide et seuls échappent à cet intellectualisme de la faute quelques passages sur la vie en banlieue; là, sa prise de position s’efface car inutile. Le suicide de l’aîné sonne ou résonne comme un devoir de pénitence pour nous : l’idéal serait que nous vivions en nous lamentant et en nous frappant la poitrine d’avoir osé survivre à la faute de la Shoah. Le réalisme moins lourd à supporter est que nous l’enseignions à nos enfants avant même leur langue et vivions dans le repentir permanent. La boucle est bouclée.
Ce roman nous livre, sans jeu de mots, les soubassements idéologiques et politiques de célébration de la naissance d’Israël, un Etat pas un pays : l’obligation de culpabilité pour des crimes que nous n’avons pas commis et qui sont considérés en tant que Crime avec un C majuscule. Et nous sommes nous Algériens au premier rang de ses négateurs non par le hasard de l’oubli, de l’insouciance ou du souvenir de nos propres morts, de notre propre condition de colonisés au moment des faits, mais par adhésion passive ou inconsciente au nazisme, coupables parmi les coupables.
En boycottant ce salon, les maisons d’édition et des hommes de lettres ont refusé ces équations éculées. A partir d’aujourd’hui, elles ouvrent un Salon à Alger, dans les espaces de la Bibliothèque nationale. Elles l’ont placé sous le signe d’un vieux, d’un très vieux pays, la Palestine, et l’ont soustrait à la concurrence victimaire. Les enfants palestiniens brûlés par les bombes ne sont pas moins humains que les enfants juifs déportés, et Ghaza n’est pas une moindre horreur que le ghetto de Varsovie, Deïr Yassine ou Kfar Kassem ne sont pas une moindre horreur qu’un camp d’extermination. Il fallait le dire.
M. B.
[Moi : il est prof de philo et journaliste. Il a fondé et dirige la revue pédagogique Asskrem]

________________________________________
http://www.lematindz.net/news/je-nirai-pas-au-salon-de-paris-pour-ma-propre-colere-par-mohamed.html
Qu’il est pénible d’être forcé au partage du choix hypocrite des tyrans arabes ! Invité au Salon du livre de Paris où je dois signer mon dernier livre, j’ai décidé de ne pas m’y rendre, mais pour ma propre colère et, de grâce, elle n'a rien à voir avec l'immense escobarderie des dirigeants arabes et de ces organisations d’éditeurs satellisées que je vois même s’éprendre d’une affection soudaine pour le poète israélien Aaron Shabtaï ! Ah, mais si Aaron Shabtai était tunisien ? Il subirait le sort de Toufik Ben Brik, exilé dans son propre pays ou, pire celui de Mohamed Abbou, deux ans au pénitencier du Kef, les agrafes sur la bouche, pour avoir dénoncé le régime de Ben Ali. Et si Aaron Shabtai était syrien ? Il serait, comme Michel Kilo, dans une sombre prison damascène pour avoir rêvé de la paix au Liban. Et s’il était libyen, séoudien ou soudanais ? Aaron Shabtai serait embastillé dans le désert comme tous les proscrits de ces dictatures arabes où le délit de dire est réservé aux âmes pécheresses et celui de se taire aux commis du régime. Mais le poète est israélien, ce qui l’autorise à écrire librement ceci à propos de son pays, Israël :
Le signe de Caïn n’apparaîtra pas
Sur le soldat qui tire
Sur la tête d’un enfant
Depuis une colline au dessus de l’enceinte
Autour du camp de réfugiés
Le poète est israélien, ce qui l’autorise à écrire ceci, toujours à propos de son pays, Israël et du choix du Salon international du livre de Paris, qui s’est ouvert hier, d’en faire l’invité d’honneur à l’occasion de ses 60 ans : « Je ne pense pas qu’un Etat qui maintient une occupation, en commettant quotidiennement des crimes contre des civils, mérite d’être invité à quelque semaine culturelle que ce soit. Ceci est anti-culturel ; c’est un acte barbare travesti de culture de façon cynique. Et je ne veux pas, moi, y participer. » Depuis, le poète israélien a gagné la soudaine et encombrante sympathie des dictatures arabes qui boycottent le Salon de Paris et celle de l’obligeante communauté d’éditeurs qui leur est asservie. « Regardez, même Shabtaï… » Ah mais ce choix est celui d’un esprit libre ! Que n’avez-vous, Majestés, encouragé la floraison d’autres Shabtaï chez vous puisque l’israélien vous épate tant ? Et puisque vous n’avez pas vocation à cultiver des Shabtaï, au moins, ne trucidez pas ceux qui aspirent à le devenir ! Quel régime arabe, parmi ceux qui applaudissent aujourd’hui le choix du poète, aurait toléré qu’on le compare aux incendiaires de Guernica ?
C’est dire à quel point il est pénible d’être forcé de partager le choix fourbe de nos autocraties arabes et de leurs offices qui se réclament, pour les besoins de la propagande, de valeurs qu’elles sont les premières à combattre ou à mépriser.
Je n’irai pas au Salon de Paris pour ma propre colère. Et je n’aime que les colères nues. Je trouve celle du syndicat algérien des éditeurs de livres, un brin captieuse, quelque peu orientée et en tout cas, assez inhabituelle pour prêter à méfiance. Justifier le boycott par le refus de cautionner « la dérive idéologique » du Salon de Paris c’est bien, mais que ne l’a-t-on fait lors de « la dérive » du Salon d’Alger quand se pratiquait, il y a six mois à peine, l’autodafé d’un livre algérien ? Et que ne s’était exprimée cette aptitude à l’indignation quand la « dérive » frappait l’écrivain tunisien Toufik Ben Brik, renvoyé d’Alger, le mois dernier, à la demande du président Ben Ali ? Et puis, cette indignation est suspecte par le fait même qu’elle se laisse tracter par une hypocrite surenchère verbale des régimes arabes à propos d’Israël. Hypocrite parce qu’elle nie un fait incontestable, l’existence d’Israel et sa reconnaissance par la Palestine, hypocrite parce qu’elle masque un mouvement diplomatique souterrain arabe qui se dirige vers la normalisation avec Tel-Aviv et dont l’Algérie est une des actrices principales.
Aussi je n’emprunterai pas ma colère aux cercles de l’imposture arabe mais plutôt à celles de confrères israéliens, ceux du quotidien Haaretz, que je trouve plus authentique, Haaretz qui appelle au boycott du Salon de Paris parce qu’il juge indécent que «des écrivains israéliens viennent à Paris recevoir des honneurs pendant que des mères palestiniennes restent coincées dans le froid aux check-points». Haaretz dont les journalistes venaient d’être acculés à cette terrible observation : l’armée israélienne a tué en deux jours plus de Palestiniens que les roquettes du Hamas n'avaient tué d'Israéliens pendant des mois et des mois !
Oui, on ne saurait prendre part à un Salon qui glorifie un Etat au moment même où il extermine des enfants ! C’est tout.
Quel écrivain peut supporter d’avoir accompagné un jour, une heure, par son silence, le sanglot d’un orphelin ? Cela me paraît une idée si insoutenable que je m’étonne que des écrivains irréprochables ait cru judicieux de défendre le diable et les incendiaires de Guernica. J’aurais aimé n’avoir jamais lu Marek Halter comparant, dans Le Monde, le boycott à un autodafé, ni notre irremplaçable Boualem Sansal plaidant pour l’indifférence dans Le Figaro.
Dommage pour Paris ? Mais Paris a toujours été le mémorial des contrats insensés avec l’avenir, même quand nous avions l’âge du gamin de Gaza et que les avions de Bigeard bombardaient nos hameaux décharnés. Nous ne savions pas que notre délivrance allait venir aussi de plumes opiniâtres qui, à Saint-Germain, sous le nom de Simone de Beauvoir défendant Djamila Boupacha ou aux Buttes-Chaumont, dans les bibliothèques de Maspero et des « 121 » dénonçant Massu, sur les pupitres de Montmartre, ceux des Lettres Nouvelles de Maurice Nadeau et des Editions de Minuit de Jérôme Lindon, ont choisi de nous faire un signe de la main qui isolait le bourreau.On était gamins, et on ne savait pas.Mais depuis, on l’a su.
Mohamed Benchicou
________________________________________


Le Figaro (in Internet) 13/03/2008 | Mise à jour : 10:57
On boycotte quoi, à Paris ?


Par Boualem Sansal, écrivain. Auteur de «Village de l'Allemand» (Gallimard).
Le mot «boycott» me donne de l'urticaire. Je me gratte furieusement ici, là et encore là entre les deux sans savoir si c'est ma dignité, mon intelligence, mon esprit, mon foie, mon nez, ou mon petit business, qui s'irrite de l'entendre.
On boycotte quoi ? me dis-je. Quand on me l'explique, avec les mots du boycott, je comprends encore moins. Et quand, à ceux-là qui brandissent l'étendard du boycott, je réponds qu'il y a mieux à faire, ils me regardent comme on toise un traître, un défaitiste, un pauvre c… Et lorsque j'ajoute qu'il faut plutôt y aller et rentrer dans le chou des boycottés, ils me toisent comme on regarde un débile, un ignorant, un pauvre c…
Bref, je n'ai pas l'esprit du boycott. Je préfère la bagarre. Pourtant, que ne l'ai-je entendu ce mot, et vu pratiquer la chose avec zèle !
Notre gouvernement algérien, qui est le roi du boycott, nous a bien éduqués : nous avons boycotté des cours, des profs, des entreprises, des produits, des films, des institutions, des pays, et même des pays frères comme le Maroc, la Tunisie, et chaque fois que l'un d'entre nous a cru devoir suggérer qu'il y aurait éventuellement mieux à faire, la machine totalitaire est passée d'un bond au stade suivant : l'effacement du malappris. Donc, nous avons beaucoup boycotté, et surtout quand ça faisait mal à nos intérêts nationaux et personnels.
Aujourd'hui, c'est le Salon du livre de Paris. Le motif : Israël. C'est cela qu'il faut voir. C'est nouveau, l'Algérie n'a jamais boycotté ce pays, elle ne le reconnaît pas, n'a pas de relation avec lui. Or, on ne boycotte que ce qui était pratiqué déjà : il faut avoir commencé pour cesser.
Deuxième question : pourquoi le boycotter seulement au Salon du livre ? La logique voudrait qu'on boycotte partout : l'ONU où siège Israël, les JO, les banques, les entreprises, les multinationales dans lesquelles, chacun sait, les intérêts juifs sont importants, comme il faudrait boycotter les États qui reconnaissent ce pays et travaillent avec lui, etc., etc.
Or, rien de tout cela : les pays arabes qui ont appelé au boycott ou fait appeler au boycott sont les meilleurs clients d'Israël et souvent les pires ennemis des Palestiniens. La souffrance de ce peuple, son désespoir sont en vérité le cadet de leurs soucis. Qu'ont-ils fait depuis soixante ans que dure son calvaire ? Il y a comme une fourberie quelque part.
N'est-ce pas plutôt la France qui est boycottée pour avoir mis Israël à l'honneur, et au moment où celui-ci fête le soixantième anniversaire de sa fondation ?
Faut-il y voir un lien avec les déclarations récentes de Sarkozy, au demeurant trop soudainement pro-israéliennes pour être honnêtes ? Un avertissement quant à un éventuel changement de la politique arabe de l'Élysée ?
Un moyen pour mobiliser les peuples arabes déjà plus que dégoûtés de leurs dirigeants et de leur attitude ignoble envers les Palestiniens qu'ils ne soutiennent, de temps à autre, que pour mieux les enfoncer ? Est-ce une façon de dissuader les écrivains arabes de se rendre à Paris et de débattre avec leurs homologues israéliens sur ce qu'il convient de faire pour la paix et son corollaire : la démocratie ? Quoi d'autre ?

________________________________________

http://www.tariqramadan.com/article.php3?id_article=1365
Israël, le sens d’un boycott : il s’agit de ne pas nous taire !
vendredi 29 février 2008, par Tariq Ramadan

Depuis des semaines, les médias italiens se sont mobilisés autour de la question du boycott de la Foire du Livre de Turin qui célèbre Israël à l’occasion de son soixantième anniversaire. Nous avons tout entendu, des contre-vérités et des déclarations qui ont semé la confusion sur les termes du débat et les positions respectives.

Je ne suis pas l’initiateur de cet Appel au Boycott et quand j’ai été appelé par un journaliste de l’Agence ATIC, j’ai effectivement soutenu cette action en affirmant que cette célébration était une provocation, que le silence de la communauté internationale vis-à-vis de la souffrance des Palestiniens était inacceptable et que l’on ne pouvait pas tout accepter de l’Etat d’Israël (je n’ai jamais dit : qu’ « on ne pouvait rien accepter de l’Etat d’Israël » : cette mauvaise traduction de la langue arabe est due à l’agence ATIC et qui l’a reconnue). Le boycott ne signifie absolument pas nier l’existence d’Israël : je ne nie pas son existence mais je m’oppose à la politique d’occupation et aux campagnes répressives et inhumaines des gouvernements israéliens successifs. J’ai combattu et je continuerai à combattre l’antisémitisme et toutes formes de racisme : je n’ai de cesse de participer à ces cercles de réflexions et de débats judéo-musulmans mais je n’accepte pas le chantage auquel des politiciens, des intellectuels et certains médias nous soumettent. Confondre la critique de l’Etat d’Israël et de sa politique avec l’antisémitisme est une imposture. Une injure à la conscience humaine et à la dignité des Palestiniens qui consiste à se mettre aveuglement du côté des plus forts en considérant que la vie des plus faibles n’a pas de valeur et peut être sacrifiée à l’aune de calculs politiciens. La célébration d’un Etat et de son soixantième anniversaire, sauf à nous prendre pour des imbéciles, est éminemment politique. Il ne s’agit pas de nier la liberté d’expression ou la culture des écrivains et des artistes. Leur invitation est bienvenue et j’ai toujours participé à ces débats (il reste néanmoins intéressant de se questionner sur cet étrange oubli quant à l’absence d’invitation aux auteurs israéliens arabes, chrétiens ou musulmans : quelle idée les organisateurs de la Foire se font-ils de la composition citoyenne de la société israélienne ?)

Enfin, on a affirmé que mon soutien s’apparentait à une fatwâ ! Non contents d’avoir déformé ma position et mes propos, voilà que l’on veut y ajouter la frayeur en utilisant le mot « FATWA ! » qui rappelle la triste histoire de Salman Rushdie dont on a essayé de museler la liberté d’expression. Outre le fait que j’ai condamné dès le début la fatwâ contre Salman Rushdie, il faut dire avec force que ce soutien au boycott n’a rien d’un avis religieux ou d’une opinion islamique légale. Quelle ignorance, quelle manipulation ! En panne d’arguments, mes adversaires veulent me diaboliser : « Tariq Ramadan est un antisémite qui a lancé une fatwâ ! » Un tel propos est mensonger et indigne de gens qui disent respecter la culture et le dialogue.

Le boycott est simplement le moyen que les défenseurs des droits des Palestiniens ont choisi, en Italie, pour faire entendre une voix de protestation dans l’hymne d’une célébration d’Israël qui cache les sombres réalités des territoires occupés. J’ai appris récemment que les organisations de défense des droits des Palestiniens avaient, en France, fait le choix d’un autre moyen, d’une autre attitude : elles ont décidé de s’installer fermement au prochain Salon du Livre (14 au 19 mars ), d’y commémorer les soixante années de l’autre réalité, de la Nakba (« catastrophe ») des Palestiniens, et d’inviter des intellectuels et des auteurs arabes, palestiniens et israéliens à en parler et à en débattre. J’ai pris connaissance de cette initiative et je la soutiens sans aucune réserve : il s’agit, ici aussi, de défendre la dignité des Palestiniens et de ne pas permettre que la célébration des soixante ans d’Israël puisse faire l’impasse sur le sort des Palestiniens et la politique inhumaine auxquels ils font face.

Boycott à Turin, présence contestatrice à Paris ! Il n’y a rien là de contradictoire. Ce qui compte aujourd’hui, au-delà des moyens et des stratégies employées, est de rompre le silence, de faire entendre des voix qui refusent les manipulations politiques et exigent que la politique des gouvernements israéliens successifs soit jugée comme toutes les autres quand elle est indigne et répressive et qu’elle ne respecte pas les résolutions de l’ONU et le droit international. Il s’agit de rappeler les soixante années de colonisation, de déplacement de populations, d’exil et de morts palestiniens qui sont le miroir négatif de la célébration d’Israël. Contrairement à ce qu’affirme Marek Halter (Le Monde du 15 février 2008), je n’ai jamais appelé à la destruction de l’Etat d’Israël et je ne suis l’idéologue d’aucun Etat ni d’aucune organisation dont ce serait le programme. Ces propos sont consternants et surtout tout à fait malhonnêtes.

Je continue de penser que le choix d’Israël comme invité d’honneur, au moment où le peuple palestinien se meurt à Gaza, est au minimum une maladresse et dans les faits une faute. Ce geste soi-disant culturel est exactement à l’image du positionnement politique de l’Europe et de l’Occident aujourd’hui : on célèbre Israël, on maintient constamment la confusion entre critique politique et antisémitisme et surtout on fait silence sur la souffrance des Palestiniens. Ce choix « culturel » fait écho au « silence politique » en contribuant à déplacer le problème comme les partisans aveugles de la politique de l’Etat d’Israël savent si bien le faire. Mais il ne s’agit de ne pas se taire ! Au moyen du boycott ou en organisant une autre célébration, un « autre Salon » au cœur du Salon du Livre, l’objectif est le même : rompre le silence ! Qui donc pourrait aujourd’hui nous reprocher d’utiliser tous les moyens pacifiques que nous avons à notre disposition !? Les excès des réactions verbales auxquelles nous avons eu affaire montrent que la violence n’est pas du côté que l’on croit.

Notre silence dans les pays majoritairement musulmans comme en Occident est l’une des causes de la violence au Moyen-Orient ! Nous sommes nombreux, et parmi nous des Israéliens et des juifs, à avoir décidé de ne pas nous taire à l’heure où l’on célèbre l’anniversaire d’un Etat qui pratique les assassinats politiques ciblés et affame tout un peuple. Je participerais sans aucune hésitation à des panels de discussion et de débats avec des auteurs israéliens sur des questions littéraires ou philosophiques ou encore, par exemple, sur le sens et le doit à critiquer Israël. Je serais le premier à répondre à une telle invitation et à encourager les auteurs arabes, palestiniens, chrétiens et musulmans à y répondre positivement. Néanmoins, de toute la force de mon intelligence et de ma conscience je m’opposerais aux manipulations et aux silences politiques quand certains célèbrent de façon festive et que d’autres se meurent en silence et sans dignité.
Une version courte de cet article a été publiée dans le Monde du 29 février 2008
________________________________________

LE MONDE 29 FEVRIER 2008

Israël, le sens d'un boycottage
par Tariq Ramadan
Le Salon du livre ne peut célébrer l'Etat hébreu
et passer sous silence le sort des Palestiniens
Depuis des semaines, les médias italiens se sont mobilisés autour de la question du boycottage de la Foire du livre de Turin, qui célèbre Israël à l'occasion de son soixantième anniversaire. Nous avons tout entendu, des contre-vérités et des déclarations qui ont semé la confusion sur les termes du débat et les positions respectives.
Je ne suis pas l'initiateur de cet appel au boycottage et, lorsque j'ai été appelé par un journaliste de l'agence ATIC, j'ai effectivement soutenu cette action en affirmant que cette célébration était une provocation et que l'on ne pouvait pas tout accepter de l'Etat d'Israël (je n'ai jamais dit : qu'"on ne pouvait rien accepter d'Israël" : cette mauvaise traduction de la langue arabe est due à l'ATIC, qui a reconnu son erreur).
Le boycottage ne signifie pas nier l'existence d'Israël : je ne nie pas cette dernière, mais je m'oppose à la politique d'occupation et de répression des gouvernements israéliens successifs. J'ai combattu et je continuerai à combattre l'antisémitisme et le racisme : je participe à des cercles de réflexion judéo-musulmans, mais je n'accepte pas le chantage auquel des politiciens, des intellectuels et certains médias nous soumettent.
Confondre la critique de la politique d'Israël avec l'antisémitisme est une imposture. Une injure à la conscience humaine et à la dignité des Palestiniens qui consiste à se mettre aveuglément du côté des plus forts en considérant que la vie des plus faibles n'a pas de valeur. La célébration des 60 ans d'un Etat, sauf à nous prendre pour des imbéciles, est éminemment politique.
S'y opposer ne veut pas dire nier la culture et la liberté d'expression des écrivains israéliens. Leur invitation est légitime même si l'absence d'invitation aux auteurs israéliens arabes, chrétiens ou musulmans, est bien étrange : quelle idée les organisateurs de la Foire se font-ils de la composition de la société israélienne ? On a affirmé que mon soutien s'apparentait à une fatwa ! Non content d'avoir déformé ma position, voilà que l'on veut y ajouter le scandale et la frayeur en utilisant le mot "fatwa", qui rappelle la triste "affaire Salman Rushdie".
Outre le fait que j'ai condamné dès le début la fatwa contre ce dernier, il faut préciser que ce soutien au boycottage n'a rien d'un avis religieux. En panne d'arguments, mes adversaires veulent me diaboliser : "Tariq Ramadan est un antisémite qui a lancé une fatwa !" Un tel propos est indigne de gens qui disent respecter la culture et le dialogue. Je n'ai rien à ajouter sur ce point.
Le boycottage est le moyen que les défenseurs des droits des Palestiniens ont choisi, en Italie, pour faire entendre une voix de protestation dans l'hymne d'une célébration d'Israël qui cache la sombre réalité des territoires occupés.
J'ai appris récemment que les organisations de défense des Palestiniens avaient, en France, fait un choix inverse : elles ont décidé de s'installer fermement au prochain Salon du livre (du 14 au 19 mars), d'y commémorer les soixante années de l'autre réalité, celle de la Nakba (catastrophe) des Palestiniens, et d'inviter des intellectuels et des auteurs arabes, palestiniens et israéliens à en débattre. Je soutiens cette initiative sans aucune réserve : il s'agit, ici aussi, de défendre la dignité des Palestiniens et de ne pas permettre que la célébration des 60 ans d'Israël puisse faire l'impasse sur le sort d'un peuple réprimé et sacrifié.
Boycottage à Turin, présence critique à Paris, il n'y a rien là de contradictoire. Ce qui compte aujourd'hui, au-delà des stratégies employées, c'est de rompre le silence, de faire entendre des voix qui refusent les manipulations politiques et exigent que la politique des gouvernements israéliens successifs soit jugée comme toutes les autres quand elle est indigne et qu'elle ne respecte pas les résolutions de l'ONU et le droit international.
Il s'agit de rappeler les soixante années de colonisation, de déplacement de populations, d'exil et de morts palestiniens qui sont le miroir négatif de la célébration d'Israël. Contrairement à ce qu'affirme Marek Halter (Le Monde du 15 février), je n'ai jamais appelé à la destruction d'Israël et je ne suis l'idéologue d'aucun Etat ni d'aucune organisation dont ce serait le programme. Ces propos sont consternants et malhonnêtes.
Je continue de penser que le choix d'Israël comme invité d'honneur, au moment où le peuple palestinien se meurt à Gaza, est une maladresse et une faute. Ce geste est exactement à l'image du positionnement politique de l'Europe : on célèbre Israël, on maintient constamment la confusion entre critique politique et antisémitisme et, surtout, on entretient une "conspiration du silence" vis-à-vis de la politique d'apartheid d'Israël. Ce choix "culturel" fait écho au silence "politique" en contribuant à déplacer le problème comme les partisans aveugles de la politique de l'Etat d'Israël savent si bien le faire.
Au moyen du boycottage, ou en organisant une autre célébration, un "autre Salon" au coeur du Salon du livre, l'objectif est le même : dénoncer l'injustice ! Qui donc pourrait aujourd'hui nous reprocher d'utiliser tous les moyens pacifiques que nous avons à notre disposition ? Les excès des réactions verbales auxquelles nous avons eu affaire prouvent que la violence n'est pas du côté que l'on croit.
Notre silence, dans les pays majoritairement musulmans comme en Occident, est l'une des causes de la violence au Moyen-Orient ! Nous sommes nombreux, et parmi nous des Israéliens et des juifs, à avoir décidé de ne pas nous taire à l'heure où l'on célèbre l'anniversaire d'un Etat qui pratique les assassinats politiques ciblés et affame tout un peuple. Je participerais sans aucune hésitation à des panels de discussions et de débats avec des auteurs israéliens sur des questions littéraires et philosophiques ou encore, par exemple, sur le sens et le droit de critiquer Israël.
Je serais le premier à répondre à une telle invitation et à encourager les auteurs arabes, palestiniens, chrétiens et musulmans à y répondre positivement. Néanmoins, de toute la force de ma conscience et de mon intelligence je m'opposerai aux manipulations politiciennes quand certains célèbrent de façon festive et que d'autres se meurent en silence et sans dignité.
________________________________________
http://www.republique-des-lettres.fr/10324-salon-du-livre.php
Tariq Ramadan / Salon du Livre 2008.
Tariq Ramadan explique le sens du boycott du Salon du Livre de Paris.
Dans une tribune publiée dans Le Monde (édition datée du 29 février), l'islamologue Tariq Ramadan revient sur le boycott par les pays arabes -- Liban, Tunisie, Maroc, Algérie, Egypte, Jordanie, Yemen, Arabie saoudite, Iran et Palestine notamment -- de la Foire du Livre de Turin (du 8 au 12 mai 2008) et du Salon du Livre de Paris (du 14 au 19 mars 2008), ces deux manifestations ayant mis Israël en "Invité d'honneur" à l'occassion du 60e anniversaire de la création de l'Etat hébreu.
Se défendant d'avoir été l'initiateur de l'appel au boycottage de la Foire de Turin -- ce sont les organisations d'écrivains palestiniens et égyptiens qui ont initié l'appel conjointement avec l'influente Ligue arabe -- Tariq Ramadan précise que le sens de ce boycott n'est aucunement de nier l'existence d'Israël mais de manifester une opposition pacifique à la politique d'apartheid menée à l'encontre des palestiniens. Pour l'intellectuel genevois, la célébration des 60 ans de l'Etat hébreu est éminemment politique et "s'y opposer ne veut pas dire nier la culture et la liberté d'expression des écrivains israéliens", comme tentent de faire accroire les amis de l'Etat juif qui voient de l'antisémitisme dans toute critique politique d'Israël. Il s'agit pour les défenseurs des droits des Palestiniens d'utiliser l'arme pacifique du boycott afin de ne pas laisser tomber dans l'oubli la sombre réalité des territoires occupés à l'heure où Israël utilise les vitrines des plus grands rendez-vous internationaux de la Culture pour célébrer son anniversaire.
Tariq Ramadan soutient l'initiative des organisations palestiniennes qui ont décidé d'être présentes au Salon du Livre de Paris afin de célébrer eux le 60ème anniversaire de la "Nakba". C'est-à-dire l'autre réalité de la fondation de l'Etat israélien en 1948: son installation désastreuse sur les territoires de la Palestine historique, suivi en 1967 de l'occupation du peu de terres qui restaient encore aux palestiniens, la Cisjordanie et la Bande de Gaza. Pour lui, il est nécessaire que des voix rappellent ces "soixante années de colonisation, de déplacement de populations, d'exil et de morts palestiniens", ainsi que la situation indigne d'un pays, Israël, "qui ne respecte ni les résolutions de l'ONU ni le droit international".
Pour Tariq Ramadan "le choix d'Israël comme invité d'honneur, au moment où le peuple palestinien se meurt à Gaza, est une maladresse et une faute". En organisant un "autre Salon" au coeur du Salon du livre de Paris, l'objectif est selon lui de dénoncer l'injustice et le "deux poids deux mesures" qui prévaut dans les pays occidentaux sur le conflit israélo-palestinien.
Auteur : La République des Lettres, jeudi 28 février 2008

________________________________________

http://www.20minutes.fr/article/218599/Culture-Les-appels-au-boycott-me-paraissent-des-plus-suspects.php
«Les appels au boycott me paraissent des plus suspects»

BALTEL / SIPA ¦ Boualem Sansal, écrivain algérien et auteur du «Village de l'Allemand» (éd. Gallimard)

Des Etats et éditeurs arabes ont appelé au boycott du Salon du livre qui se tiendra à Paris du 13 au 19 mars. Le point de vue de Boualem Sansal, l'un des grands écrivains algériens, qui vient de publier chez Gallimard «Le village de l'Allemand»…

Que pensez-vous du fait qu’Israël soit l’invité d’honneur du salon du livre cette année?
Chaque année, le Salon du livre de Paris met à l’honneur un pays. Cette année, c’est Israël. Il n’y a là rien que de très normal… sauf qu’il s’agit d’Israël, que les représailles dans Gaza sont des plus choquantes et que cette mise à l’honneur coïncide avec le soixantième anniversaire de la fondation d’Israël. Nous savions tous, et les autorités françaises en premier j’imagine, que cela ferait polémique et que beaucoup, notamment les pays arabes, seraient amenés à boycotter la manifestation. Si quelqu’un, Nicolas Sarkozy ou un autre, avait voulu une crise de plus, c’est bien comme ça qu’il fallait faire. Celle-là ne sert personne, ni la France, ni Israël, ni les Palestiniens. De tous les côtés, il y a des gens en colère.

Que pensez-vous de ces appels au boycott? Y êtes-vous favorable ou au contraire, les dénoncez-vous?
D’une manière générale, je suis contre le boycott. La meilleure façon de régler les problèmes n’est pas de leur tourner le dos mais de les affronter. Un Salon du livre comme celui de Paris est un endroit idéal pour débattre, interpeller, dénoncer, expliquer, en prenant le monde à témoin. Au lieu de cela, on va bouder dans son coin. Israël va l’avoir pour lui seul et dire ce qu’il veut sans risque d’être contredit, du moins par les Arabes.
Les appels (officiels et officieux) au boycott que l’on entend ici et là dans certains pays arabes me paraissent des plus suspects. On sait le niveau de tension qui règne dans la plupart de ces pays.

Comme en Algérie…
La marmite n’est pas loin d’exploser, surtout si Abdelaziz Bouteflika maintient son plan de violer la constitution pour s’offrir un nouveau mandat. Le boycott procède de la même sempiternelle démarche, la diversion, la manipulation, la mise en scène. J’y vois aussi un geste pour complaire aux islamistes, de plus en plus arrogants, de plus en plus exigeants, à mesure que s’accroît le mécontentement populaire. La démarche transparente et efficace aurait été d’organiser un débat public avant de décider, je ne sais à quel niveau et par quel canal, que le pays tout entier boycotte le Salon de Paris.

Après la publication de votre livre «Le village allemand» dont le sujet inédit dans la littérature arabe n’est pas Israël mais la Shoah, un sujet politique s’y rattachant indirectement, allez-vous intervenir dans la polémique?
Je ne vais participer à aucune polémique. Je vais au Salon du livre pour acheter des livres, parler des miens avec ceux que ça intéresse, rencontrer des amis. Mon dernier roman traite de la Shoah et pourrait effectivement être au centre d’une polémique. Je ne la fuirais pas, j’assume ce que j’écris. La Shoah concerne toute l’humanité, pas seulement les juifs. Les liens que le nazisme a pu établir avec l’islamisme dans les années 30 et 40, la présence dans les pays arabes d’un courant de sympathie pour l’Allemagne nazie, la fuite des officiers nazis vers les pays arabes, le développement de l’islamisme souvent teinté de néonazisme dans certaines banlieues françaises, sont, me semble-t-il, des sujets que nous avons tous besoin de connaître et d’approfondir.

Propos recueillis par Alexandre Sulzer

IDEM « 20 MINUTES »
L'invité ne fait pas l'unanimité
La politique s'immisce en littérature. Le choix d'inviter la littérature israélienne en hébreu au Salon du livre - qui doit être inauguré ce soir par Shimon Peres, le président israélien, actuellement en visite d'Etat - fait polémique. Les appels au boycott se sont multipliés ces derniers jours.

Fer de lance de la contestation: le Liban, théâtre, en 2006, de violents affrontements entre Israël et le Hezbollah. L'Arabie saoudite, le Yémen, l'Union des écrivains palestiniens, des éditeurs algériens, tunisiens, marocains, égyptiens ainsi que l'Iran ont suivi le boycott. Le monde arabe et perse marque sa condamnation de la politique israélienne vis-à-vis des Palestiniens.
Les écrivains arabes approuvent le boycott ou justifient leur venue. L'Egyptien Alaa El Aswany, auteur de L'Immeuble Yacoubian, a maintenu sa participation, tout en dénonçant le choix de l'invité. Mais pour les écrivains israéliens, souvent très critiques vis-à-vis de la politique de leur Etat, le boycott est vécu comme un affront. «Ceux qui appellent au boycott ne s'opposent pas à la politique d'Israël mais à son existence», considère Amos Oz, un célèbre auteur israélien.
Ce n'est pas l'avis de Benny Ziffer, responsable des pages littéraires du quotidien israélien de gauche Haaretz, qui porte la charge la plus violente contre «les honneurs» accordés par Paris aux écrivains israéliens «pendant que des mères palestiniennes restent coincées dans le froid aux checkpoints». Face aux critiques, le Quai d'Orsay a justifié l'invitation et jugé le boycott «regrettable».

Armelle Le Goff
IDEM « 20 MINUTES »
Vénus Khoury Ghata: «Le boycott n'est pas raisonnable»

Certains Etats arabes ont décidé de boycotter le Salon du livre de Paris dont Israël est l'invité d'honneur. Pas Vénus Khoury Ghata, romancière originaire du Liban, qui a décidé de participer au Salon.

Vous avez décidé de participer au Salon malgré le boycott de votre pays d’origine le Liban. Pourquoi?

Je considère que la décision prise par le Liban et les pays arabes n'est pas raisonnable. Ce qui me semble critiquable c'est le fait de donner au Salon du livre une connotation politique. Mais, tous ceux qui s'y rendent savent pertinemment que le Salon est tellement immense qu'on ne verra même pas l’invité. L'année dernière, l'Italie était à l'honneur, on ne s'en est même pas aperçu.

Mais pour le Liban, le boycott vise à démontrer son refus de fêter le 60e anniversaire de la création de l’Etat d’Israël. Qu’en pensez-vous?

Je comprends que ce choix puisse sembler critiquable, étant donné que pour les Palestiniens, la création de l’Etat d’Israël évoque le souvenir épouvantable de la Naqba [la catastrophe en arabe, ndlr]. Mais je tiens à rappeler que parmi les écrivains israéliens invités au Salon, il y a des personnes qui oeuvrent pour la paix. Amos Oz ou David Grossman sont très critiques avec les orientations de leur pays. Il faut permettre à ces personnes d'être écoutées. La paix doit avoir son mot à dire et c'est la littérature qui lui permet de s'exprimer.

Propos recueillis par Pauline Mouhanna

IDEM « 20 MINUTES »
«Un Etat qui continue de violer des centaines de résolutions onusiennes»
Certains Etats arabes ont décidé de boycotter le Salon du livre de Paris dont Israël est l'invité d'honneur. Sausan Abulhawa, Américaine d’origine palestinienne, avait maintenu sa participation, avant de finalement renoncer en début de semaine.

Vous avez finalement décidé de boycotter le Salon du livre, à l’instar de certains pays arabes. Pourquoi?

Je regrette le fait que ce Salon soit, de mon point de vue, dédié à un Etat qui vise la destruction de toute nation qui n’est pas juive. Et je ne peux accepter le fait qu’on puisse célébrer la création d’un Etat qui continue de violer des centaines de résolutions onusiennes.

Pourtant, vous étiez censée signer votre livre à Paris, Les matins de Jénine (Ed. Buchet-Chastel)...

Oui et je maintiens ma venue, à Paris, le 15 mars pour signer mon livre dans la librairie Shakespeare. Je participerai aussi aux manifestations qui se tiendront pour protester contre l’invité d’honneur du Salon cette année.

Votre dernier livre mélange politique et littérature, quel message tentez-vous à transmettre à votre lecteur?

Le message principal est que toute nation doit avoir accès aux mêmes droits humains. Je raconte aussi l’histoire de mon peuple, le peuple palestinien, qui a connu la souffrance, l’amour et la tragédie. J’insiste surtout sur le fait que nos familles tiennent à leur terre, à leurs traditions et que cela ne changera jamais.

Propos recueillis par Pauline Mouhanna

http://www.20minutes.fr/article/218922/Culture-Assurer-un-genre-de-resistance-culturelle.php

«Assurer un genre de résistance culturelle»
Certains Etats arabes ont décidé de boycotter le Salon du ivre de Paris dont Israël est l'invité d'honneur. Carole Dagher, libanaise, a annulé la signature de son livre La princesse des Batignolles (Ed. du Rocher) en soutien au boycott.

Le Liban ne participe pas au Salon du livre cette année. Soutenez-vous cette décision?

Oui, et d'ailleurs, en guise de soutien, j’ai annulé la signature de mon livre La princesse des Batignolles (Ed. du Rocher). Cependant, je me rendrai au Salon pour passer sur le stand de mon éditeur. Mais je m’abstiens de toute participation aux événements culturels. Si mon pays a pris cette décision, je considère que par signe de solidarité, je dois respecter sa volonté.

Vous protestez contre le Salon, en signe de solidarité, mais approuvez-vous l'idée du boycott?

Je trouve dommage qu’on ne puisse pas faire entendre notre voix. En effet, à travers notre participation, on peut mettre en avant la littérature libanaise et arabe. On assure ainsi un genre de résistance culturelle. Je regrette aussi qu'on ne puisse pas diffuser les livres et les films libanais, qui ont suivi la guerre menée au Liban par Israël contre le Hezbollah de l'été 2006. J’aurais voulu que tous les participants du Salon comprennent les souffrances et les atrocités cette guerre, qui a fait beaucoup de victimes civiles.

Propos recueillis par Pauline Mouhanna
________________________________________

http://www.rue89.com/2008/03/13/boualem-sansal-je-fais-de-la-litterature-pas-la-guerre
L'écrivain algérien Boualem Sansal ira au salon du livre de Paris, qui ouvre ses portes aujourd'hui. Malgré la polémique provoquée dans le monde arabe par le choix d'Israël comme invité d'honneur. Et en dépit de l'appel au boycott venant des gouvernements et quelques intellectuels arabes.
"Cette affaire est stupide", coupe l'écrivain algérien qui aime le débat. Et la tribune parisienne ne pouvait pas mieux tomber. Sansal y présentera son livre "Le Village de l'Allemand" qui raconte la Shoah au public arabe et a provoqué des réactions violences dans les pays musulmans. Malgré le risque d'être poursuivi dans son pays, il foulera les travées du salon (il sera samedi 15 sur le stand de Gallimard).
________________________________________
SUISSE « www.laliberte.ch »
Par Sid-Ahmed Hammouche
"La Liberté": Pourquoi allez-vous au salon du livre alors que le monde arabe crie au scandale?
Boualem Sansal: J'y vais par amour des livres, même si cela risque d'aggraver ma situation en Algérie. Je fais de la littérature, pas la guerre. Si le monde arabe lisait les auteurs juifs, il verrait qu'ils ne sont pas au service du gouvernement israélien. La plupart sont très critiques. Et puis la littérature n'est pas juive arabe ou américaine, elle raconte des histoires qui s'adressent à tout le monde.
Votre roman raconte l'histoire d'Hans Schiller, ancien officier SS, devenu héros de la guerre d'indépendance de l'Algérie, formateur de l'élite militaire du pays, bâtisseur d'un village exemplaire… Ce nazi a-t-il existé?
Il a existé. Mon roman colle aussi près que possible au parcours de cet homme, dont j'ai découvert l'existence au début des années 1980, dans un village des Hauts-Plateaux algériens. Les gens des environs l'appelaient «le village de l'Allemand». Après la défaite allemande en 1945, il s'était réfugié en Egypte, où il a été récupéré par les Services secrets égyptiens. Plus tard, il a été envoyé par Nasser comme conseiller technique auprès de l'Etat-major de l'Armée de libération algérienne. A l'indépendance, pour des raisons que je ne connais pas, il est allé vivre dans ce village perdu que j'ai nommé Aïn Deb.
Dans votre livre, vous traitez aussi d'un sujet tabou dans le monde arabe: la Shoah.
Le mot tabou ne convient pas. La Shoah est ignorée dans nos pays, purement et simplement, quand elle n'est pas considérée comme une invention des Juifs ou regardée comme un "point de détail de l'histoire", pour reprendre la formule tristement célèbre de Jean-Marie Le Pen.
Le président iranien Ahmadinedjad prétend aussi que l'holocauste est une invention…
Le président iranien est peut-être le moins critiquable dans la mesure où lui affiche son antisémitisme. Et ses excès décrédibilisent son propre discours. Les plus dangereux sont ceux, comme les Saoudiens et les monarchies du Golfe, qui ne disent rien, mais qui agissent à travers leurs formidables réseaux internationaux de financement et de propagande. Les intellectuels dans le monde musulman doivent se mobiliser et dénoncer le racisme et l'antisémitisme où qu'ils soient, y compris dans leurs rangs. Nous avons été trop absents dans le combat contre ces maladies qui ravagent nos sociétés.
Comment votre livre a-t-il été reçu?
Mon livre a suscité des réactions très violentes en Algérie notamment. On a considéré que je portais atteinte à la dignité du pays en mêlant un abominable SS, un criminel de guerre, à sa glorieuse lutte de libération. On a aussi ressenti comme une injure le fait que je dénonce le racisme et l'antisémitisme qui sévissent dans beaucoup de pays arabes et musulmans. On a enfin pensé qu'en parlant de la Shoah, je cherchais à minimiser les crimes commis par le colonialisme français en Algérie. Bref, on m'accuse de tout, au lieu de réfléchir aux questions que soulèvent mon livre.
Et personne ne vous soutient?
Je ne me sens pas si seul. Il y a des intellectuels qui travaillent sur ces questions, chacun à sa manière. Un Abdelwahab Meddeb, un Malek Chebel, un Mohamed Arkoun ou un Youssef Seddik œuvrent à la promotion d'un islam généreux, tolérant, ouvert. C'est la meilleure façon de barrer la route au racisme et à l'antisémitisme que des gens diaboliques, tels ceux qui gouvernent le monde arabe et les islamistes, propagent.
Deux thèmes constituent le cœur de votre réflexion; nazisme et fanatisme islamique. En quoi sont-ils liés?
Tous les fascismes se ressemblent. L'habit peut changer, le nom aussi, le fond reste le même. L'islamisme est un fascisme, totalitaire, belliqueux, sectaire, tout comme l'a été le nazisme. Si différence il y a, elle est dans les moyens, le nazisme avait sous la main la formidable puissance militaire et industrielle de l'Allemagne, alors que pour le moment l'islamisme en est au stade artisanal. Dès 1933, Hitler avait décelé la proximité entre son idéologie et celle des islamistes. Il a pris contact avec eux dans tous les pays musulmans où l'islamisme commençait à émerger, comme rejet de l'Occident mais aussi comme moyen de mobiliser les peuples contre le colonialisme français et anglais.
Et Hitler a su exploiter ce mouvement de rejet?
Il a établi des liens très étroits avec notamment Hadj Amine Al Husseini, grand Mufti de Jérusalem, Hassan el Banna, le fondateur des Frères Musulmans en Egypte, et en Europe avec un certain Alya Izetbegovic qui allait cinquante ans plus tard devenir le premier président de la Bosnie-Herzégovine. Hitler a pu, grâce à eux, lever des troupes dans tous les pays musulmans, elles se sont battues avec les troupes allemandes en Europe ou ont mené des actions de guérilla dans leurs pays contre les armées coloniales. Dans les milieux islamistes, on a gardé une très grande sympathie pour l'hitlérisme. Par certains côtés, il les inspire encore. Certains en sont réellement très imprégnés et rêvent de pouvoir reprendre et continuer l'œuvre d'Hitler, notamment l'extermination des Juifs. C'est le rêve d'Ahmadinedjad et de Ben Laden.
"L'émigration est le seul rêve qui reste aux jeunes." Comment expliquer que l'Algérie qui ramasse des milliards de dollars grâce au pétrole produit tant de pauvres qui sont ensuite recrutés par les fous d'Allah…
Aujourd'hui, l'argent du pétrole coule à flot en Algérie mais il ne profite qu'aux oligarques et aux islamistes. Le peuple s'enfonce dans la misère. Elle n'a jamais été si grande alors que le pays est de plus en plus riche, jusqu'à l'indécence. Bouteflika est un autocrate de la pire espèce, il a une très lourde responsabilité dans cette évolution. C'est pourtant lui que les grandes démocraties occidentales soutiennent et à leur tête la France de Sarkozy. Une grande partie de la population a perdu tout espoir de voir un jour sa situation s'améliorer. L'émigration est le seul rêve qui reste aux jeunes. Apparemment, la fermeture des frontières européennes ne semble pas les dissuader. Ils préfèrent la clandestinité et le chômage en Europe aux promesses en sucre de Bouteflika et de ses porte-voix.
Etes-vous entendu en Algérie?
Depuis la publication de «Poste restante Alger», mes livres sont interdits en Algérie. On me critique, on m'invective, on me menace mais pour le moment, ça ne va pas plus loin. Donc je continue à vivre en Algérie. Je pense souvent à l'exil mais où, chez Bush, chez Sarkozy? Remplacer un malheur par un autre n'est pas ce qu'on peut appeler une bonne décision. Pour le moment, je n'ai pas d'autre projet que celui de tenter, avec des amis, de nous opposer au viol de la constitution par Bouteflika et au renouvellement de son mandat.
Vous êtes aussi très critique au sujet du monde arabe.
Le monde arabo-musulman a beaucoup de mal à entrer dans la modernité, pris en tenaille qu'il est entre la dictature militaro-policière et l'islamisme. Le chemin du renouveau sera long, difficile et plein de violence. Il lui faudra entreprendre et réussir ce que l'occident a entrepris et réussi durant ce qu'on a appelé le Siècle des Lumières. Je suis assez pessimiste sur notre capacité à entreprendre cette révolution. Brimées, menacées par les uns et les autres, notre élite intellectuelle s'est sont dispersée dans le monde. Or elle est le moteur de la révolution que nous appelons de nos vœux. Sans cette révolution, l'avenir sera comme le passé, en plus triste car déjà vu, ce qui pose la terrible question: à quoi sert de vivre si c'est pour rester au même point.
► "Le Village de l'Allemand ou Le Journal des frères Schiller", de Boualem Sansal, Gallimard, 263 p., 17€.
________________________________________


http://www.lefigaro.fr/livres/2008/02/14/03005-20080214ARTFIG00448-bombes-a-retardement-a-setif-.php
Mohammed Aïssaoui
14/02/2008 | Mise à jour : 11:41 |
À partir du destin de deux frères nés de mère algérienne et de père allemand, Boualem Sansal ouvre une page douloureuse de l'histoire.
Boualem Sansal n'écrit que des livres utiles, des livres qui frappent là où on s'y attend le moins: au sein même de son pays, de son peuple, l'Algérie. Depuis Le ¬Serment des barbares jusqu'à Harraga, il n'a jamais pris de gants (sinon de boxe) pour dénoncer les codes étouffants de l'islam, la corruption rampante, les dogmes. Dans Poste restante, Alger, un récit court et dense, il utilisait une méthode qu'il reprend aujourd'hui avec son nouveau roman : celle de scruter un événement de l'histoire contemporaine algérienne et de montrer à quel point il pèse encore.
Cette fois, il a déniché un épisode, resté méconnu, tiré d'une histoire vraie. Cette période dont il parle, la jeunesse ¬algérienne ne peut la connaître, car elle n'est racontée dans aucun ouvrage d'histoire. On ne peut pas, non plus, la retrouver dans une bibliothèque d'Alger ou d'Oran. Tabou total. Dans ¬Le Fils de l'Allemand, Boualem Sansal rappelle que, après la Seconde Guerre mondiale, des nazis ont trouvé refuge en ¬Afrique du Nord. Certains d'entre eux ont même rejoint les rangs du FLN, ils sont devenus moudjahidins et ont fini leurs jours drapés en héros de la Résistance.
Le romancier s'appuie sur le journal des deux frères Schiller, nés de mère algérienne et de père allemand. Ils ont vécu en banlieue pendant que leurs parents restaient dans un petit village près de Sétif. Le cadet s'appelle Rachel (c'est un garçon), qui est la contraction ou l'union de Rachid et Helmut ; l'aîné est prénommé Malrich, qui provient de Malek et Ulrich. Pour schématiser, Malrich est celui qui n'a pas été plus loin que le CM2. Rachel s'en est bien sorti, un modèle pour les enfants d'immigrés : une femme, un travail, une maison. Mais il s'est suicidé dans son garage, après avoir découvert un « secret de famille ». Il a appris que les terroristes algériens ont assassiné sa mère et son père, et, dans le même temps, il comprend que ce père a servi dans les rangs SS. « Se découvrir le fils d'un bourreau est pire que d'avoir été soi-même un bourreau », écrit-il.
C'est à travers les tâtonnements et les voyages de Rachel et les pensées de Malrich que le lecteur plonge dans ce roman puissant, total. Avec une conviction qui nous emporte, Boualem Sansal réussit à dresser un tableau où nazisme et terrorisme algérien appartiennent à la même famille. C'est aussi une belle réflexion sur ce qu'il nomme une « amnésie volontaire ».
Le Fils de l'Allemand de Boualem Sansal Gallimard, 264p., 17€.
[Fils de l’Allemand ??]
________________________________________

http://villepin.over-blog.com/article-17131678.html

Jeudi 28 février 2008
Israël invité du Salon du livre : les appels au boycott se multiplient
Israel invité d'honneur au Salon du Livre est une honte pour la France. D'autant qu'il y a des militaires dans le lot. Il n'y a pas que les éditeurs et écrivains arabes qui boycottent le salon, il y a aussi le britannique John Bilger ainsi que l'auteur Israélien Benny Ziffer. De nombreux jeunes auteurs juifs ne se déplaceront pas non plus. Sarkozy n'imposera pas aux Français malgré eux ni Israel, ni le Sionisme. S'il croit le contraire, il se trompe lourdement.
Israël invité du Salon du livre: les appels au boycott se multiplient
Les appels de pays et organisations arabes a boycotter le Salon du livre de Paris se multiplient à deux semaines de l'ouverture de la manifestation, dont Israël est l'invité d'honneur.
Premier pays à annoncer sa décision, le Liban, l'une des pierres angulaires de la francophonie dans le monde arabe, a indiqué mercredi qu'il s'"abstiendra de participer" au Salon (14-19 mars), pour protester contre l'invitation d'Israël à l'occasion du 60ème anniversaire de l'Etat hébreu.

Un responsable yéménite de la culture, Faris al-Saqqat, avait indiqué auparavant que son pays ne participerait pas non plus, à la suite d'une requête en ce sens de la Ligue arabe.

De vives critiques se sont en effet élevées ces derniers jours dans le monde arabe pour dénoncer l'attitude des organisateurs du Salon du livre et des autorités françaises, partie prenante dans le choix du pays invité.
Le président de l'Union des écrivains palestiniens, Al-Moutawakel Taha, a appelé les maisons d'édition arabes à boycotter le Salon et le président de l'Union des écrivains égyptien, Mohamed Salmawy, avait estimé la semaine dernière le choix d'Israël "inacceptable".

A Rabat, l'Organisation islamique pour l'éducation, les sciences et la culture (Isesco), organisme issu de l'Organisation de la conférence islamique (OCI), a appelé mardi les 50 pays membres de l'OCI à boycotter le Salon.

Des éditeurs marocains et algériens indépendants se sont également désistés.

Interrogé, le Syndicat national de l'édition (SNE), organisateur du Salon, souligne pour sa part que c'est "la littérature israélienne" qui est invitée et non l'Etat d'Israël en tant que tel.

Face aux critiques, le ministère français des Affaires étrangères avait justifié vendredi l'invitation faite à Israël et jugé tout boycott du Salon par des écrivains arabes "extrêmement regrettable".

La polémique survient après des appels au boycott de la Foire au livre de Turin (Italie), dont Israël est également l'invité d'honneur, du 8 au 12 mai.

Mais l'idée de boycotter la Foire de Turin a provoqué des réactions indignées de tous les bords politiques en Italie, au nom de la liberté d'écrire et de débattre. L'écrivain italien Dario Fo, prix Nobel de littérature, a ainsi souligné qu'il était opposé au boycott de la Foire de Turin, mais qu'il aurait préféré que des écrivains palestiniens soient aussi invités.

De même pour le Salon de Paris : l'écrivain égyptien Alaa al-Aswani, auteur du best-seller international "L'Immeuble Yacoubian", ou l'Américaine d'origine palestinienne Susan Abulhawa, ont dénoncé violemment la présence d'Israël comme invité d'honneur, tout en affirmant qu'ils se rendront malgré tout au Salon.

Trente-neuf écrivains israéliens, dont quelques grands noms de la littérature israélienne, comme Amos Oz ou David Grossman, sont invités au Salon du livre de Paris, qui doit être inauguré le 13 mars par le président Nicolas Sarkozy et son homologue israélien Shimon Pérès.


Sources AFP
Posté par Adriana Evangelizt
________________________________________


http://pauvre-france.activblog.com/article-219482.html

Dimanche 24 Février 2008
Salon du Livre : les éditeurs algériens boycottent, ainsi que John Berger, écrivain britannique
Israel invité d'honneur au Salon du Livre, c'est une des plus grosses hontes infligée par Sarkozy à notre pays et à notre peuple. S'il croit que c'est en nous imposant de force cet état criminel qu'il va améliorer les choses, il se trompe lourdement.
Salon du Livre : les éditeurs algériens boycottent, ainsi que John Berger, écrivain britannique
Par CAPJPO
Le syndicat national des éditeurs de livres (SNEL) algérien a décidé de boycotter le prochain Salon International du Livre, à Paris, pour dénoncer sa transformation en manifestation de soutien à la politique d’Israël, rapporte le quotidien algérien Le Soir.
Les éditeurs algériens boycottent le Salon International du Livre
Israël au centre des contestations, Le Soir d’Algérie, 18 février 2008

C’est à l’unanimité que les éditeurs algériens ont décidé de suspendre leur participation au Salon international du livre de Paris, prévu du 14 au 19 mars prochain. La raison invoquée dans le communiqué transmis à notre rédaction est le choix cette année de l’invité d’honneur : « Israël ».

Le Syndicat national des éditeurs de livres (SNEL) qui s’est réuni en assemblée générale extraordinaire, le 13 février dernier, s’est refusé à soutenir la dérive idéologique de ce grand espace interculturel.

Parce que c’est au détriment de la nation palestinienne, tyrannisée au quotidien par les sionistes, que la France compte célébrer les soixante ans de la création d’Israël.

Rappelons qu’une vive polémique fait rage en ce moment en Italie puisque la Foire du livre qui doit avoir lieu à Turin, du 8 au 12 mai prochain, porte la même célébration que la France pour Israël. Des partis politiques aux personnalités en passant par les associations militantes pour les droits fondamentaux des Palestiniens, un vif mouvement de protestation s’est déclenché afin que le comité d’organisation renonce à un Etat qui ne respecte pas le minimum des droits humains et opprime sans répit le peuple palestinien.

Face au refus opposé par les organisateurs, des auteurs et écrivains italiens ont décidé de boycotter la manifestation. S. H."

JOHN BERGER SE JOINT AU BOYCOTT DU SALON DU LIVRE EN FRANCE

"Je me joins au boycott du Salon du Livre en France", vient de nous annoncer John Berger après avoir appris que l’Etat d’Israël était son invité d’honneur.

L’écrivain britannique, romancier, peintre, critique d’art et scénariste, lauréat du prix Booker, est un homme de principes.

Toujours aussi actif, ce n’est pas à 80 ans qu’on risque de lui faire avaler des couleuvres.
Source : CAPJPO-EuroPalestine
Posté par Adriana Evangelizt
________________________________________

Dimanche 24 Février 2008
L’auteur israélien Benny Ziffer appelle à son tour au boycott du Salon du Livre à Paris
Voilà où passe notre pognon avec Sarkozy ! A nourrir le sionisme. Et dieu sait que les sionistes aiment ça le pognon ! Demandez à Sarko pourquoi il a augmenté son salaire de 10 000 euros ? Travaillez plus pour que Sarko et ses amis gagnent plus ou soient même payés à rien foutre !
L’auteur israélien Benny Ziffer appelle à son tour au boycott du Salon du Livre à Paris
Par CAPJPO
L’écrivain israélien Benny Ziffer, responsable des pages littéraires du quotidien Haaretz, appelle à son tour au boycott de l’entreprise de propagande montée par les gouvernements israélien et français à l’occasion du Salon du Livre de Paris, en mars prochain.
Dans une déclaration au journal Libération, Benny Ziffer trouve "indécent que des écrivains israéliens viennent à Paris recevoir des honneurs pendant que des mères palestiniennes restent coincées dans le froid aux check-points."

La déclaration de Ziffer est reproduite dans l’édition du mardi 12 février de Libération. Elle a quelque chose de tristement prémonitoire puisque pas plus tard que vendredi, on a appris un nouveau décès de femme palestinienne à un check-point, celui de Fawzya Qabb, 67 ans, victime d’un accident vasculaire cérébral, à qui les soldats de l’armée d’occupation ont interdit le passage en ambulance pour se rendre à l’hôpital.

Agé de 55 ans, Benny Ziffer n’usurpe pas, lui, l’appellation d’intellectuel engagé, et pas seulement par sa plume. Il a ainsi fait partie, avec sa fille, de la petite cohorte de militants israéliens qui ont mené, aux côtés de la population palestinienne et d’autres militants internationaux, à la campagne contre le Mur d’annexion à Bi’lin (Cisjordanie), où il a d’ailleurs été légèrement blessé par le tir des soldats.

Les écrivains israéliens « libéraux et pacifistes » participant à la mascarade des « 60 ans d’Israël », Amos Oz ou David Grossman, pour s’en tenir aux plus médiatiques d’entre eux, ne sont jamais allés et n’iront pas à Bi’lin partager, ne serait-ce que quelques heures, la souffrance du peuple palestinien.

Une virée à Paris aux frais de la princesse est un passe-temps plus digne de leur personne, n’est-ce pas ?
Source : CAPJPO-Europalestine
Posté par Adriana Evangelizt

________________________________________

Youtube: TV marocaine