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jeudi, avril 20, 2006

25- Entretien avec Guillaume VIGNEAULT


Entretien avec Guillaume VIGNEAULT

Guillaume Vigneault est né en 1970. A effectué des études de littérature à l’université du Québec à Montréal. Il a publié deux romans, « Chercher le vent » (Ed. Seuil, 2006) et « Carnets de naufrage » (Ed. Balland, 2003). Il a été récompensé par le prix France Québec ainsi que par l’Académie des Lettres du Québec.

AHMED HANIFI : Pouvez-vous vous présenter ?

GUILLAUME VIGNEAULT : Je suis Québécois, je viens de Montréal, j’ai 35 ans, je suis écrivain et scénariste. Je suis au Salon du livre pour présenter mon deuxième roman qui vient de paraître au Seuil qui s’intitule « Chercher le vent ». Comme pour le premier je me suis inspiré de la tradition américaine en littérature, du « road , no road» si on veut catégoriser, peut-être aussi de Jack Kérouac. Parmi les écrivains qui m’ont influencé il y a bien sûr Kérouac, John Erwin, John Fante, Charles Bukowski aussi, en France il y a les existentialistes que j’ai lus comme tous mes confrères à l’école, Camus, pour les contemporains Jean Paul Dubois.

- Sur quoi portent vos écrits?

Ce sont des histoires qui se passent sur les routes américaines. Ce sont des romans de déracinements, d’exils volontaires, à la recherche de quelque chose d’intangible. Je me retrouve toujours à mettre mes personnages sur la route pour exorciser les vieilles choses que j’essaie de mettre à jour. Il y est question d’amitié, d’amour, puis de petites trahisons, comme il y est aussi question de rédemption quelque part aussi. Ce sont des romans assez optimistes. On m’a dit que je faisais de l’équilibrisme entre le gris et le rose sans jamais tomber. J’ai trouvé cela assez juste. J’essaie d’être tendre, d’être lucide, j’espère y arriver. C’est ce qu’on entendait quand on me disait que j’étais sur une fine ligne entre le gris et le rose.

- A quels genres de lecteurs s’adressent vos romans ?

- Mes livres sont des bouteilles lancées à la mer, je n’ai absolument aucune idée du lieu où elles échoueront.

- Un mot sur la francophonie…

- Ma première surprise c’est qu’on parle beaucoup ici de littérature française et francophone et pour moi c’est comme de dire ‘‘il y a les oranges et puis il y a les fruits’’. Je ne comprends pas cette distinction. Je crois qu’on est des écrivains de langue française. Etre écrivain c’est par définition s’extirper dans une bonne mesure des déterminants géographiques, historiques, politiques qui nous entourent, donc avant d’être des écrivains Québécois, Marocains ou Suisses, on est d’abord des écrivains. Cette distinction entre un centre et une périphérie paraît quelque peu factice d’autant plus que si on regarde le nombre de locuteurs francophones il n’y a pas une majorité absolue en France, loin de là. C’est insultant pour la littérature française aussi dans la mesure où cela suppose une espèce d’hégémonie qui n’existe pas. On n’écrit pas de la même façon à Toulouse qu’à Lille et tout cela conditionne. Celui qui écrit à Lille ou en Normandie est plus proche de certains thèmes des Belges ou des Anglais, le Toulousain est peut-être plus proche des Espagnols et des Méditerranéens, enfin je trouve que ce sont des divisions factices, à l’inverse on dit littérature francophone pour décrire toutes les autres littératures comme si elles avaient tant de points communs que cela. J’adore ce que je vois et ce que je découvre dans la littérature congolaise ou sénégalaise ou marocaine mais j’y trouve très peu de points de ressemblance, en fait, c’est le même exotisme qui me touche quand je lis ces littératures. On vient d’histoires tellement différentes. A la rigueur je me sens plus proche de la littérature franco-française que de certaines de ces littératures-là avec lesquelles je ne partage aucune référence géographique, environnementale, historique, culturelle, raciale aussi, voilà.

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Extrait de « Chercher le vent » : « J’ai toujours eu une constitution relativement fragile. Mes gueules de bois s’étirent sur trois jours, mes grippes sur deux mois. Il est toutefois une chose pour laquelle je démontre une endurance hors du commun, c’est la route. J’aurais dû me faire camionneur, soixante litres d’essence, un café, deux sandwichs, six heures à planer sur le bitume, Pennsylvanie, Maryland, Virginie, Caroline du Nord, six heures du soir, un steak triste dans un Road-Johnson désert en banlieue de Rocky Mont. Le café qui fuit depuis des lustres, la serveuse s’ennuie…J’ai l’esprit qui s’égare, la lucidité qui s’effrite, le vernis qui craque »

Ahmed Hanifi – Paris 20 mars 2006

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